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LIII
PRINCIPES DE LA THÉORIE DES INTELLIGIBLES.

possédé le bien avant de perdre sa pureté, il lui suffirait de se purifier ; dans ce cas même, ce qui lui resterait après la purification, ce serait le bien, et non la purification. Mais l’âme n’est pas le bien ; elle peut seulement y participer, en avoir la forme ; sinon, elle ne serait pas tombée dans le mal. Le bien pour l’âme, c’est d’être unie à son auteur ; son mal, de s’unir aux choses inférieures[1].  » Quant au mal, il y en a deux espèces : l’une, c’est de s’unir aux choses inférieures ; l’autre, c’est de s’abandonner aux passions. Les vertus civiles doivent leur nom de vertus et leur prix à ce qu’elles affranchissent l’âme d’une de ces deux espèces de mal [des passions]. Les vertus purificatives sont supérieures aux premières, en ce qu’elles affranchissent l’âme de l’espèce de mal qui lui est propre [de son union avec les choses inférieures][2]. Donc, quand l’âme est pure, il faut l’unir à son auteur : sa vertu, après sa conversion, consiste dans la connaissance et la science de l’être véritable ; non que l’âme n’ait pas cette connaissance, mais parce que, sans le principe qui lui est supérieur, sans l’intelligence, elle ne voit pas ce qu’elle possède[3].

3o Il y a une troisième espèce de vertus, qui sont supérieures aux vertus civiles et aux vertus purificatives, les vertus de l’âme qui contemple l’intelligence (ἀρεταὶ τῆς ψυχῆς νοερῶς ἐνεργούσης). « Ici la prudence et la sagesse consistent à contempler les essences que contient l’intelligence ; la justice est pour l’âme de remplir sa fonction propre, c’est-à-dire de s’attacher à l’intelligence et de diriger vers elle son activité ; la tempérance est la conversion intime de l’âme vers l’intelligence ; le courage est l’impassibilité, par laquelle l’âme devient semblable à ce qu’elle contemple, puisque l’âme est impassible par sa nature[4]. Ces vertus ont entre elles le même enchaînement que les autres. »

4o Il y a une quatrième espèce de vertus, les vertus exemplaires (ἀρεταὶ παραδειγματιϰαί), qui résident dans l’intelligence. Elles ont sur les vertus de l’âme la supériorité qu’a le type sur l’image : car l’intelligence contient à la fois toutes les essences qui sont les types

  1. Voy. Enn. I, liv. II, § 4, p. 56.
  2. « Rechercher le bien-être du corps, c’est ne point se connaître soi-même, c’est ne pas comprendre cette sage maxime que ce qu’on voit de l’homme n’est pas l’homme même, et qu’il faut posséder une sagesse supérieure qui enseigne à chacun à se connaître soi-même. Mais il est plus difficile d’y parvenir quand on n’a point purifié son âme que de regarder le soleil quand on a les yeux malades. Or, purifier l’âme, pour tout dire en un mot, c’est dédaigner les plaisirs des sens. » (S. Basile, Homélie aux jeunes gens, § 9.)
  3. Voy. Enn. I, liv. II, § 4, p. 57.
  4. Ibid., § 6, p. 60.