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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE VIII.

Bossuet identifie aussi le mal avec la privation, le néant :

« Autant la doctrine des Manichéens était ridicule et impie, autant sont excellentes les vérités que les anciens Pères leur ont opposées ; et surtout je ne puis assez admirer avec quelle force de raisonnement l’incomparable saint Augustin, et après lui le grand saint Thomas, son disciple, ont réfuté leur extravagance. Ces grands hommes leur ont appris qu’en vain ils cherchaient les causes efficientes du mal ; que le mal n’étant qu’un défaut, il ne pouvait avoir de vraies causes ; que tous les êtres venaient du premier et souverain Être, qui, étant très-bon par essence, communiquait aussi une impression de bonté à tout ce qui sortait de ses mains, d’où il résultait manifestement qu’il ne pouvait y avoir de nature mauvaise. Ce qui se confirme par le sentiment et le langage commun des hommes, qui appellent les choses bonnes quand elles sont dans leur constitution naturelle ; et, par conséquent, il est impossible qu’une chose soit tout ensemble naturelle et mauvaise. À quoi ils ajoutaient que le mal, n’étant qu’une corruption du bien, ne pouvait agir ni travailler que sur un bon fonds ; qu’il n’y a que les bonnes choses qui soient capables d’être corrompues ; et que, les créatures ne pouvant devenir mauvaises que parce qu’elles s’écartent de leurs vrais principes, il s’en suivait de là que ces principes étaient très-bons. Ainsi, disaient ces grands personnages, tant s’en faut que les manquements des créatures prouvent qu’il y a de mauvais principes, qu’au contraire, il serait impossible qu’il y eût aucun manquement dans le monde, si les principes n’étaient excellents ; par exemple, il ne pourrait y avoir de dérèglement, s’il n’y avait une règle première et invariable ; ni aucune malice dans les actions, s’il n’y avait une souveraine bonté, de laquelle les méchants se retirent par un égarement volontaire[1].» (Deuxième sermon pour le premier dimanche du Carême, Sur les Démons.)

Tout le mal qui est dans les créatures a son fond dans quelque bien. Le mal ne vient donc pas de ce qui est, mais de ce que ce qui est n’est ni ordonné comme il faut, ni rapporté où il faut, ni aimé et estimé où il doit être. » (Traité du Libre arbitre, 11.)

2. Mal physique.

Sur la question du mal physique, Plotin enseigne, comme le fait Platon, que le monde a pour cause de son existence la bonté de

  1. Bossuet, dans ses sermons, reproduit souvent cette théorie, qu’il a, dit-il, apprise de saint Augustin et de saint Thomas.