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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE VIII.

nière, par la nécessité soumise à la persuasion de la sagesse, que, dans l’origine, tout cet univers a été formé. » (Timée, p. 48 de l’éd. d’H. Étienne ; p. 129 de la trad. de M. H. Martin.)

« Le monde recommença sa course accoutumée et régulière, et reprit l’empire et le gouvernement de tout ce qui était en lui et à lui, se rappelant de son mieux les enseignements de son auteur et père. Au commencement il s’y conformait avec exactitude, mais sur la fin avec plus de négligence. La cause en était dans l’élément matériel de sa constitution, enfant de l’antique et primitive nature, et qui était plein de confusion avant d’en venir à cet ordre que nous voyons. Car tout ce que le monde a de beau, il le tient de Celui qui l’a formé, mais tout ce qui arrive dans le ciel de mauvais et d’injuste, c’est de cet état antérieur qu’il le reçoit, et le transmet aux êtres animés. Tant qu’il a son guide avec lui pour le diriger dans le mouvement des êtres animés qu’il renferme, il produit peu de maux et de grands biens ; mais quand son guide l’abandonne, il continue bien d’abord à gouverner tout sagement ; mais à mesure que le temps s’avance et que l’oubli survient, l’ancien désordre domine en lui davantage, et sur la fin il se développe à ce point que, ne mêlant plus que très-peu de bien à beaucoup de mal, le monde en vient à courir le risque d’une entière destruction de lui-même et de tout ce qui est en lui. Alors, Celui qui l’a formé, le voyant en cette extrémité, et ne voulant point qu’assailli et dissous par le désordre il s’abîme dans l’espace infini de la dissemblance, Dieu revient s’asseoir au gouvernail, répare ce qui s’est altéré ou détruit, en imprimant de nouveau le mouvement qui s’était accompli précédemment sous sa direction, réforme, ordonne le monde, et l’affranchit de la mort et de la vieillesse. » (Politique. Trad. de M. Cousin, t. XI, p. 375-377.)

Quant à l’interprétation que Plotin donne des deux passages qui précèdent, il est essentiel de remarquer qu’il les explique dans le sens de sa propre doctrine qui, sur ce point, est complètement différente de celle de Platon. En effet, selon Plotin, la matière première est engendrée par l’Âme universelle comme l’est la forme du monde elle-même (Enn. I, liv. viii, § 7, p. 129 ; Enn. II, liv. iii, § 17, p. 192 ; liv. ix, § 12, p. 292 ; Enn. III, liv. iv, § 1). Platon, au contraire, admet le dualisme de Dieu et de la matière : « D’après le Timée, dit M. H. Martin[1], Dieu n’a pas créé la matière première des corps, c’est-à-dire la substance indéterminée ; il n’a pas même

  1. Études sur le Timée de Platon, t. II, p. 184.