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LII
PORPHYRE.

de notre âme ; le courage, à la partie irascible ; la tempérance consiste dans l’accord et l’harmonie de la partie concupiscible et de la raison ; la justice enfin, dans l’accomplissement par toutes ces facultés de la fonction propre à chacune d’elles, soit pour commander, soit pour obéir[1].  »

2o Les vertus de l’homme qui tâche de s’élever à la contemplation consistent à se détacher des choses d’ici-bas : aussi les appelle-t-on des purifications (ϰαθάρσεις)[2]. Elles nous commandent de nous abstenir des actes qui mettent en jeu les organes et des affections qui se rapportent au corps. L’objet de ces vertus est d’élever l’âme à l’être véritable. Tandis que les vertus civiles sont l’ornement de la vie mortelle et préparent aux vertus purificatives, ces dernières commandent à l’homme qu’elles embellissent de s’abstenir des actes dans lesquels le corps joue le rôle principal. Aussi, dans les vertus purificatives, « la prudence consiste à ne pas opiner avec le corps, mais à agir par soi-même, ce qui est l’œuvre de la pensée pure ; la tempérance, à ne pas partager les passions du corps ; le courage, à ne pas craindre d’en être séparé, comme si la mort plongeait l’homme dans le vide et le néant ; la justice enfin exige que la raison et l’intelligence commandent et soient obéies. » Les vertus civiles modèrent les passions : elles ont pour but de nous apprendre à vivre conformément aux lois de la nature humaine. Les vertus contemplatives arrachent de l’âme les passions : elles ont pour but de rendre l’homme semblable à Dieu[3].

Autre chose est se purifier, autre chose être pur. Aussi les vertus purificatives (ϰαθαρτιϰαὶ ἀρεταὶ) peuvent, comme la purification elle-même, être considérées sous deux points de vue : elles purifient l’âme, et elles ornent l’âme qui est purifiée, parce que le but de la purification est la pureté. Mais, « puisque la purification et la pureté consistent à s’être séparé de toute chose étrangère, le bien est autre chose que l’âme qui se purifie. Si l’âme qui se purifie eût

  1. Nous mettons entre guillemets les phrases où Porphyre reproduit les termes mêmes de Plotin.
  2. Voy. Enn. I, liv. II, § 3, p. 55.
  3. Porphyre dit dans sa Lettre à Marcella : « Le meilleur culte que tu puisses rendre à Dieu, c’est de former ton âme à sa ressemblance : car seule la vertu élève l’âme vers la patrie d’où elle est issue. Il n’est rien de grand après Dieu que la vertu ; mais Dieu est plus grand que la vertu. Ce ne sont pas les discours du sage qui ont du prix près de Dieu, mais ses œuvres… C’est l’homme lui-même, par ses propres œuvres, qui se rend agréable à Dieu, qui se divinise en conformant son âme à l’Être qui jouit d’une incorruptible béatitude. » Voy. M. Vacherot, Histoire de l’École d’Alexandrie, t. II, p. 115.