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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

tous les degrés de l’échelle, d’un seul beau corps à deux, de deux à tous les autres, des beaux corps aux beaux sentiments, des beaux sentiments aux belles connaissances, jusqu’à ce que, de connaissances en connaissances, on arrive à la connaissance par excellence, qui n’a d’autre objet que le beau lui-même, et qu’on finisse par le connaître tel qu’il est en soi. Ô mon cher Socrate ! continua l’étrangère de Mantinée, ce qui peut donner du prix à cette vie, c’est le spectacle de la beauté éternelle. Auprès d’un tel spectacle, que seraient l’or et la parure, les beaux enfants et les beaux jeunes gens, dont la vue aujourd’hui te trouble, et dont la contemplation et le commerce ont tant de charme pour toi et pour beaucoup d’autres que vous consentiriez à perdre, s’il se pouvait, le manger et le boire, pour ne faire que les voir et être avec eux[1]. Je le demande, quelle ne serait pas la destinée d’un mortel à qui il serait donné de contempler le beau sans mélange, dans sa pureté et sa simplicité, non plus revêtu de chairs et de couleurs humaines et de tous ces vains agréments condamnés à périr ; à qui il serait donné de voir face à face, sous sa forme unique, la beauté divine ! Penses-tu qu’il eût à se plaindre de son partage celui qui, dirigeant ses regards sur un tel objet, s’attacherait à sa contemplation et à son commerce ? Et n’est-ce pas seulement en contemplant la beauté éternelle, avec le seul organe par lequel elle soit visible[2], qu’il pourra y enfanter et y produire, non des images de vertus, parce que ce n’est pas à des images qu’il s’attache, mais des vertus réelles et vraies, parce que c’est la vérité seule qu’il aime ? Or c’est à celui qui enfante la véritable vertu et qui la nourrit, qu’il appartient d’être chéri de Dieu ; c’est à lui plus qu’à tout autre homme qu’il appartient d’être immortel. »

Saint Augustin paraît avoir professé sur le Beau la même doctrine que Platon et que Plotin, comme cela ressort des citations que nous avons déjà faites précédemment (p. 305, note 2 ; p. 405). Il avait même, d’après son propre témoignage (Confessions, IV, 13), composé un écrit sur ce sujet :

« Hæc tunc non noveram, et amabam pulchra inferiora, et ibam in profundum, et dicebam amicis meis : Num amamus aliquid nisi pulchrum ? Quid est quod nos allicit ac conciliat rebus quas amamus ? Nisi enim esset illis decus et species, nullo modo nos ad se moverent. Et animadvertebam et videbam in ipsis corporibus aliquid quasi totum et ideo pulchrum ; aliud autem, quod ideo de-

  1. Voy. ibid., § 7, p. 108-110.
  2. Voy. ibid., § 8, 9, p. 110-113.