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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

conclusion, comme saint Augustin l’explique fort bien dans la citation suivante :

« J’admire en vérité comment de si savants hommes, qui comptent pour rien les choses corporelles et sensibles au prix des choses incorporelles et intelligibles, nous viennent [comme le fait Apulée] parler de contact corporel [entre les dieux et les hommes] quand il s’agit de la béatitude. Que signifie alors cette parole de Plotin : « Fuyons, fuyons vers notre chère patrie. Là est le Père et tout le reste avec lui. Mais quelle flotte ou quel autre moyen nous y conduira ? Le vrai moyen, c’est de devenir semblable à Dieu. » Si donc on s’approche d’autant plus de Dieu qu’on lui devient plus semblable, ce n’est qu’en cessant de lui ressembler qu’on s’éloigne de lui. Or l’âme de l’homme ressemble d’autant moins à cet être éternel qu’elle a plus de goût pour les choses temporelles et passagères. » (Cité de Dieu, t. X, 17 ; t. II, p. 166 de la trad. de M. Saisset.)

§ I. RAPPROCHEMENTS ENTRE LA DOCTRINE DE PLOTIN ET CELLE DE PLATON.

Plotin a puisé dans plusieurs dialogues de Platon, tels que le Phédon, le Phèdre, le Philèbe, mais principalement dans le Banquet, comme il est facile de le reconnaître en comparant à la doctrine exposée dans ce livre le discours adressé, dans le dialogue de Platon, par Diotime à Socrate (t. VI, p. 314-318 de la trad. de M. Cousin) :

« Celui qui veut s’y prendre comme il convient doit, dès son jeune âge, commencer par rechercher les beaux corps. D’abord, s’il est bien dirigé, il doit n’en aimer qu’un seul, et là concevoir et enfanter de beaux discours. Ensuite il doit reconnaître que la beauté qui réside dans un corps est sœur de la beauté qui réside dans les autres. Et s’il est juste de rechercher ce qui est beau en général, notre homme serait bien peu sensé de ne point envisager la beauté de tous les corps comme une seule et même chose. Une fois pénétré de cette pensée, il doit faire profession d’aimer tous les beaux corps, et dépouiller toute passion exclusive, qu’il doit dédaigner et regarder comme une petitesse[1]. Après cela il doit considérer la beauté de l’âme comme bien plus relevée que celle du corps, de sorte qu’une âme belle, d’ailleurs accompagnée de peu d’agréments extérieurs, suffise pour attirer son amour et ses soins, et

  1. Voy. Enn. I, liv. vi, § 2-4, p. 100-104.