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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

l’être ; mais la connaissance qu’ils en ont ressemble à un songe, et il leur sera impossible de le voir, de cette vue nette et sûre qui distingue la veille, tant qu’ils resteront dans le cercle des données matérielles sur lesquelles ils travaillent, faute de pouvoir en rendre raison. En effet, quand les principes sont pris on ne sait d’où, et quand les conclusions et les propositions intermédiaires ne portent que sur de pareils principes, le moyen qu’un tel tissu d’hypothèses fassent jamais une science ? — Cela est impossible. — Il n’y a donc que la méthode dialectique qui, écartant les hypothèses, va droit au principe pour l’établir solidement ; qui tire peu à peu l’œil de l’âme du bourbier où il est honteusement plongé, et l’élève en haut avec le secours et par le ministère des arts dont nous avons parlé. »

2. Méthode platonicienne.

La définition que Plotin donne de la méthode platonicienne (§ 4, p. 66) paraît résumer les indications éparses dans les dialogues de Platon, et principalement les deux passages suivants :

« Il est deux choses que le hasard nous a suggérées sans doute, mais qu’il serait intéressant qu’un homme habile pût traiter avec art. — Lesquelles ? — C’est d’abord de réunir sous une seule idée générale les idées particulières éparses de côté et d’autre, afin de bien faire comprendre, par une définition précise, le sujet que l’on veut traiter. — Et quelle est l’autre chose ? — C’est de savoir de nouveau décomposer le sujet en ses différentes parties, comme en autant d’articulations naturelles, et de tâcher de ne point mutiler chaque partie, comme ferait un mauvais écuyer tranchant... J’affectionne singulièrement cette manière de diviser les idées et de les rassembler tour à tour pour être plus capable de bien penser et de bien parler. Ceux qui ont ce talent, Dieu sait si j’ai tort ou raison, mais enfin jusqu’ici je les appelle dialecticiens. » (Phèdre, p. 266 ; t. VI, p. 97 de la trad. de M. Cousin.)

« Diviser par genres, ne pas prendre pour différents ceux qui sont identiques, ni pour identiques ceux qui sont différents, ne dirons-nous pas que c’est l’œuvre de la science dialectique ? — Oui, nous le dirons. — Ainsi, celui qui est capable de faire ce travail démêle comme il faut l’idée unique répandue dans une multitude d’individus qui existent séparément les uns des autres, puis une multitude d’idées différentes renfermées dans une idée générale, puis encore une multitude d’idées générales contenues dans une idée supérieure, et d’un autre côté une multitude d’idées absolument séparées les unes des autres. Voilà ce qui s’appelle savoir dis-