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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

de la force, mais qui peuvent contribuer, en général, au bonheur de sa vie. Ce qui le prouve, c’est qu’on appelle prudents ou avisés, dans tel ou tel genre, ceux qu’un raisonnement exact conduit à quelque fin estimable, dans les choses où l’art ne saurait s’appliquer, en sorte que l’homme prudent serait, en général, celui qui est capable de délibérer... Il suit nécessairement de là que la prudence est une véritable habitude de contemplation, dirigée par la raison, dans les biens propres à la nature humaine. » (Trad. de M. Thurot, p. 256, 258.)

En subordonnant la prudence à la sagesse, en les appelant toutes deux des vertus rationnelles ou habitudes intellectuelles, et en les regardant comme supérieures aux vertus morales (liv. i, § 10, p. 47), Plotin s’est encore inspiré d’Aristote, qui s’exprime ainsi à ce sujet :

« Il faut que le sage, non-seulement connaisse les conséquences qui dérivent des principes, mais aussi qu’il sache la vérité des principes. En sorte que la sagesse serait l’intelligence et la science, et que sa partie fondamentale serait la connaissance de ce qu’il y a de plus noble et de plus sublime. » (Éthique à Nicomaque, VI, 7 ; p. 261 de la trad. de M. Thurot.)

« La distinction [de deux parties dans l’âme, de la partie irraisonnable et de la partie raisonnable] sert de fondement à une division ou classification des vertus : car nous disons que les unes sont intellectuelles, διανοητιϰαί, et les autres morales, ἡθιϰαί, nous appelons vertus intellectuelles, la sagesse, la prudence ; vertus morales, la tempérance, la libéralité. En effet, quand nous parlons des mœurs d’un homme, nous ne disons pas qu’il est habile ou spirituel, mais qu’il est doux ou sobre ; nous louons aussi, dans l’homme savant et habile, ses habitudes et sa manière d’être ; or, entre les habitudes, on appelle vertus celles qui sont dignes de louange. » (Éthique à Nicomaque, I, 13 ; p. 50 de la trad.)

Enfin, la distinction établie par Plotin entre les vertus naturelles et les vertus parfaites se trouve développée dans les lignes suivantes du même ouvrage d’Aristote :

« La nature semble avoir mis dans chacun des individus le germe des vertus morales : car nous apportons, pour ainsi dire, en naissant, quelque disposition à la justice, à la prudence, à la tempérance, et aux autres qualités de l’âme. Mais nous cherchons ici quelque chose de plus, c’est la bonté et la vertu proprement dites, c’est une autre manière d’êre juste, courageux, tempérant et le reste. Ces dispositions naturelles, φυσιϰαί ἕξεις, existent en effet dans les enfants et dans les animaux ; mais elles semblent plutôt être nuisibles qu’utiles, sans l’intelligence. C’est ce qu’on peut recon-