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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

lité. Car encore que l’âme des bêtes soit distincte du corps, il n’y a point d’apparence qu’elle puisse être conservée séparément, parce qu’elle n’a point d’opération qui ne soit absorbée totalement par la matière. Et il n’y a rien de plus injuste ni de plus absurde aux Platoniciens[1], que d’avoir égalé l’âme des bêtes, où il n’y a rien qui ne soit dominé par le corps, à l’âme humaine, où l’on voit un principe qui s’élève au-dessus de lui, qui le pousse jusques à sa ruine pour contenter la raison, et qui s’élève jusques à la plus haute vérité, c’est-à-dire jusques à Dieu même. »

2° Le principe qui anime les animaux procède d’une puissance de l’Âme, puissance qui est appelée Puissance naturelle et génératrice, Raison totale de l’univers, et qui, en cette qualité contient les raisons séminales de tous les êtres vivants, des hommes, des bêtes et des plantes[2].

Tel est le sens du passage suivant du livre i, § 9, p. 45, qu’il faut rapprocher du passage cité plus haut, p. 377 :

« L’Âme universelle est indivisible parce qu’elle fait partie du monde intelligible, et divisible par rapport aux corps. En effet, elle est divisible relativement aux corps, puisqu’elle se répand dans toute l’étendue de chacun d’eux tant qu’ils vivent ; mais en même temps elle est indivisible, parce qu’elle est une dans l’univers ; elle paraît être présente aux corps, elle les illumine ; elle en forme des êtres vivants, non en faisant un composé du corps et de sa propre essence, mais en restant identique ; elle produit en chacun d’eux des images d’elle-même, comme le visage se réfléchit dans plusieurs miroirs. La première de ces images est la sensation, qui réside dans la partie commune [l’animal] ; viennent ensuite toutes les autres formes de l’âme, formes qui dérivent successivement l’une de l’autre, jusqu’à la faculté génératrice et végétative, et en général jusqu’à la puissance qui produit et façonne autre chose que soi, ce qu’elle fait dès qu’elle se tourne vers l’objet qu’elle façonne. »

Plotin développe cette théorie dans le livre iii de l’Ennéade II, où il dit (§ 13, 16, 17 ; p. 184, 188, 190-192) :

« Tous les êtres qui sont dans le ciel ou qui se trouvent distribués dans l’univers sont des êtres animés et tiennent leur vie de la Raison totale de l’univers [parce qu’elle contient les raisons génératrices de tous les êtres vivants].

  1. Pour l’exposition détaillée de la doctrine des Platoniciens sur l’âme des bêtes, Voy. le traité dé Porphyre De l’Abstinence des viandes, livre III.
  2. Voy. Enn. IV, liv. vii, § 14.