Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/519

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
378
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

plus vites, plus mobiles, plus insinuants, mais cela ne les fera pas sentir.

Toute l’École en est d’accord. Et aussi, en donnant la sensation aux animaux, elle leur donne une âme sensitive distincte du corps. Cette âme n’a point d’étendue : autrement elle ne pourrait pas pénétrer tout le corps, ni lui être unie, comme l’École le suppose. Cette âme est indivisible, selon saint Thomas, toute dans tout, et toute dans chaque partie.

Que si l’âme qu’on donne aux bêtes est distincte du corps, si elle est sans étendue et indivisible, il semble qu’on ne peut s’empêcher de la reconnaître pour spirituelle. Et de là naît un autre inconvénient. Car si cette âme est distincte du corps, si elle a un être à part, la dissolution ne doit pas la faire périr ; et nous retombons par là dans l’erreur des Platoniciens qui mettaient toutes les âmes immortelles, tant celles des hommes que celles des animaux.

Voilà deux grands inconvénients, et voici par où on en sort...

Tous les philosophes, même les païens, ont distingué en l’homme deux parties : l’une raisonnable, qu’ils appellent νοῦς, mens, en notre langue, esprit, intelligence ; l’autre, qu’ils appellent sensitive et irraisonnable.

Ce que les philosophes païens ont appelé νοῦς, mens, partie raisonnable et intelligente, c’est à quoi les saints Pères ont donné le nom de spirituel ; en sorte que, dans leur langage, nature spirituelle et nature intellectuelle, c’est la même chose.

Il se voit donc que les sensations d’elles-mêmes ne font point partie de la nature spirituelle, parce qu’en effet elles sont totalement assujetties aux objets corporels et aux dispositions corporelles.

Quand donc on aura donné les sensations aux animaux, il paraît qu’on ne leur aura rien donné de spirituel. Leur âme sera de même nature que leurs opérations, lesquelles en nous-mêmes, quoiqu’elles viennent d’un principe qui n’est pas un corps, passent pourtant pour charnelles et corporelles par leur assujettissement total aux dispositions du corps. De cette sorte, ceux qui donnent aux bêtes des sensations et une âme qui en soit capable, interrogés si cette âme est un esprit ou un corps, répondront qu’elle n’est ni l’un ni l’autre. C’est une nature mitoyenne qui n’est pas un corps, parce qu’elle n’est pas étendue en longueur, largeur et profondeur ; qui n’est pas un esprit, parce qu’elle est sans intelligence, incapable de posséder Dieu et d’être heureuse.

Ils résoudront par le même principe l’objection de l’immorta-