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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

que la vision est l’essence de l’œil, l’âme est comme la vue et comme la puissance de l’instrument. Le corps n’est que ce qui est en puissance ; et de même que l’œil est à la fois la pupille et la vue, de même ici l’âme et le corps sont l’animal. » (De l’Âme, II, 1 ; p. 163-168 de la trad.)

En résumé Plotin appelle âme irraisonnable ou nature animale ce qu’Aristote nomme âme sensitive, végétative et génératrice ; mais il n’admet pas comme lui qu’elle périsse avec le corps ; il accorde seulement qu’après la mort elle n’est plus qu’en puissance au lieu d’être en acte[1].

3. Stoïciens.

Plotin donne à l’âme irraisonnable ou nature animale le même rôle que les Stoïciens assignent dans leur système à la raison séminale. Il leur a même emprunté ce terme et il s’en sert souvent. Comme eux, il voit dans l’âme irraisonnable un principe qui pénètre tout le corps et y administre tout[2]. Il la considère comme la source des raisons séminales plus particulières d’où naissent toutes les qualités[3], et dont le corps animé est comme l’expansion et le développement.

Nous avons indiqué, dans les notes du livre iii de l’Ennéade II (p. 176, note 1 ; p. 183, note 1 ; p. 189, note 4, etc.), les rapprochements qu’on peut faire à ce sujet entre les deux doctrines. Il nous suffira de remarquer ici avec M. Ravaisson que, tandis que la raison séminale est un corps pour les Stoïciens, elle constitue un principe incorporel dans le système de Plotin[4].

Enfin, pour montrer le rôle que jouent encore aujourd’hui dans la science les idées d’Aristote, des Stoïciens et de Plotin sur l’âme végétative, sur la raison séminale et la nature animale, nous allons citer un morceau remarquable où M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, en définissant la force organisatrice des êtres vivants, reproduit les mêmes conceptions sous d’autres noms :

  1. Voy. Enn. V, livre ii, § 2. Saint Thomas enseigne, comme Plotin, qu’après cette vie, autant du moins qu’elle est séparée du corps, l’âme n’a que la possession virtuelle des puissances sensitives (Summa, pars I, quæst. 77, art. 8). C’est en ce sens que Bossuet dit : « Autant que Dieu restera à l’âme, autant vivra notre intelligence ; et, quoi qu’il arrive de nos sens et de notre corps, notre vie est en sûreté. » (De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. v, § 14.)
  2. Voy. Enn. II, liv. iii, § 13, p. 182.
  3. Voy. Enn. II, liv. vi, § 2, p. 240 ; liv. vii, § 3, p. 248.
  4. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 384-388.