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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

forma, par leur mélange, une troisième espèce, une essence intermédiaire, participant à la fois de la nature du même et de celle de l’autre, et qu’il plaça ainsi entre l’essence indivisible et l’essence corporelle et divisible. Et prenant ces trois espèces d’essences, il les mélangea toutes en une seule espèce, forçant violemment, malgré la difficulté du mélange, la nature de l’autre à s’unir avec celle du même, et mêlant ces deux natures avec l’essence, et de trois choses en ayant fait une seule, il divisa encore ce tout en autant de parties qu’il convenait, de sorte que chacune de ses parties offrit un mélange du même, de l’autre et de l’essence. » (Timée, p. 35 ; trad. de M. H. Martin, p. 97.)

Plotin donne de ce passage, aussi obscur que célèbre, une interprétation qui nous semble préférable, par sa profondeur philosophique, à celles qui ont été proposées par d’autres[1] ; il dit, p. 44 : « Nous participons de l’essence de l’Âme universelle, essence qui, comme le dit Platon, est indivisible parce qu’elle fait partie du monde intelligible, et divisible par rapport aux corps[2]. »

Cette idée est développée dans l’Ennéade IV, liv. ii, § 1 ; liv. iii, § 19, 22, 23 ; liv. iv, § 28. Plotin y démontre que l’âme raisonnée est complètement indivisible, parce qu’elle n’a pas besoin des organes pour accomplir ses opérations ; que l’âme irraisonnable est indivisible en ce sens qu’elle est présente tout entière dans tout le corps, et divisible en ce sens que ses puissances sont présentes aux organes qu’elles font agir et où elles sont séparées les unes des autres.

Quant au 1er Alcibiade, Plotin lui a peu emprunté. Il n’en fait point d’autre citation que celle qui a déjà été mentionnée plus haut, p. 367, note 1.

2. Aristote.

Nous avons déjà, en traitant des facultés de l’âme, indiqué des rapprochements entre la doctrine de Plotin et celle d’Aristote (p. 330-354). Nous ajouterons ici que les six premiers paragraphes du liv. i de l’Ennéade I paraissent avoir pour objet de discuter les principes exposés dans le passage suivant du traité De l’Âme :

  1. Voy. M. H. Martin, Études sur le Timée, t. I, p. 346-382. Cependant l’interprétation de Plotin est moins exacte que celle que propose M. H. Martin, p. 369.
  2. Macrobe a reproduit presque littéralement cette phrase dans son Commentaire sur le Songe de Scipion (I, 12) : « Animæ, sicut mundi, ita et hominis, modo divisionis reperientur ignaræ, si divinæ naturæ simplicitas cogitetur ; modo capaces, quum illa per mundi, hæc per hominis membra diffunditur. » Voy. M. Ravaisson, t. II, p. 390-392.