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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

qui sont aussi des images. L’homme qui existe dans l’Intelligence divine constitue l’homme supérieur à tous les hommes. Il illumine le second [l’homme raisonnable], qui à son tour illumine le troisième [l’homme sensitif][1]. Le dernier homme possède en quelque sorte les deux autres : il n’est pas produit par eux, il leur est plutôt uni. L’homme qui nous constitue a le dernier homme pour acte[2]. Le dernier homme reçoit quelque chose du second ; et le second, du premier dont il tient son acte. Chacun de nous est ce qu’il est selon l’homme d’après lequel il agit [est intellectuel, raisonnable, sensitif, selon qu’il exerce l’intelligence, la raison discursive ou la sensibilité]. Chacun de nous possède les trois hommes en un sens [en puissance], et ne les possède pas en un autre sens [en acte ; c’est-à-dire n’exerce pas simultanément l’intelligence, la raison et la sensibilité][3] » (Voy. Enn. VI, liv. vii, § 3, 6.)

La nature animale est l’acte naturel de l’âme raisonnable, et concourt avec elle à constituer l’homme[4] :

« L’homme est une autre raison [essence] que l’âme. Qui empêche que l’homme ne soit quelque chose de composé, c’est-à-dire l’âme dans une certaine raison (ψυχὴ ἐν τοιῷδε λόγῳ), en admettant que cette raison soit un certain acte [de l’âme], et que cet acte ne puisse exister sans le principe qui le produit. Telle est la nature des raisons séminales (ὁι ἐν τοῖς σπέρμασι λόγοι). Elles n’existent pas sans l’âme, et cependant elles ne sont pas l’âme purement et simplement : car les raisons génératrices ne sont pas inanimées (οἱ λόγοι ποιοῦντες οὐϰ ἄψυχοι), et il n’y a rien d’étonnant à ce que de telles essences soient des raisons. Ces raisons qui n’engendrent pas l’homme [mais l’animal][5], de quelle âme sont-elles les actes ? Est-ce de l’âme végétative ? Non, elles sont les actes de l’âme [raisonnable] qui engendre l’animal[6], laquelle est une âme plus puissante et par cela même plus vivante. L’âme de telle nature,

  1. Le rapport des trois principes qui constituent l’homme est également expliqué par l’illumination dans la Kabbale. Voy. p. 374-377.
  2. Cette phrase signifie : La raison discursive, qui constitue l’homme, engendre la sensibilité, qui constitue l’animal. Voy. liv. i, § 7, p. 43.
  3. Voy. Enn. II, liv. ix, § 2, p. 262.
  4. Voy. liv. i, § 7, 10, p. 43, 47. Plotin dit encore, Enn. II, liv. iii, § 9, p. 180 : « Tout homme est double : car il y a dans tout homme l’animal et l’homme véritable [que constitue l’âme raisonnable]. »
  5. Les raisons séminales ou génératrices dont parle ici Plotin sont les puissances qui constituent la nature animale. Dans le traité De l’Âme, Aristote emploie aussi le mot de raisons pour désigner les facultés de l’âme sensitive et végétative. Voyez plus loin, p. 369.
  6. « L’âme est l’animal en puissance. » (Enn. II, liv. v, § 3, p. 230.)