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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

Pour démontrer sa doctrine, Plotin, suivant la même méthode qu’Aristote dans le traité De l’Âme, commence par discuter les différentes hypothèses[1] qu’on peut faire sur le sujet qu’il traite (§ 1, p. 36). Son raisonnement peut se formuler ainsi :

Le caractère propre de l’animal est d’éprouver les passions (livre i, p. 35, 40, 43). Donc, pour savoir ce que c’est que l’animal, il faut voir quel est le principe qui éprouve les passions. Or on ne peut attribuer les passions :

1° Ni à l’âme pure : elle est impassible (§ 2, p. 37) ;

2° Ni au composé de l’âme et du corps : si l’âme est avec le corps dans le même rapport que l’artisan avec son instrument, ou le pilote avec son navire (car on ne saurait admettre que l’âme forme un mixte avec le corps, comme l’enseignent les Stoïciens, ni qu’elle soit une forme inséparable du corps, comme le dit Alexandre d’Aphrodisiade), si elle est mêlée avec le corps en ce sens qu’elle le pénètre et y est présente comme la lumière l’est dans l’air, elle est impassible (§ 2, 3, p. 38-42) ;

3° Ni au corps organisé seulement, si l’on admet que les facultés qui s’y rapportent ne ressentent pas les passions du corps (§ 6, p. 42).

Ces trois hypothèses étant écartées, Plotin en conclut qu’il faut attribuer les passions à l’âme irraisonnable, qui, par son union avec le corps organisé, constitue la nature animale ζῶου φύσις. Cette nature diffère à la fois de l’âme raisonnable dont elle procède, et du corps organisé dans lequel elle est présente et dont elle ressent les passions (§ 7, p. 43} : aussi l’appelle-t-on l’habitude passive, ἕξις παθητιϰὴ c’est-à-dire la passivité de l’âme[2].

La nature animale n’est pas une seconde âme , c’est une partie essentielle de l’âme, c’est son acte, parce que la conception de l’animal est impliquée dans celle de l’homme[3]. Nous allons le démon-


    fait, on n’a plus de peine à en démêler les opérations intellectuelles, qui, loin d’être assujetties au corps, président à ces mouvements et ne communiquent avec lui que par la liaison qu’elles ont avec les sens, auxquels néanmoins nous les avons vues si supérieures. » (Bossuet, De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. III, § 20, 21.)

  1. Voy. le tableau de ces diverses hypothèses dans la Note sur le livre iii, p. 410.
  2. Voy. Enn. II, liv. iii, § 9, p. 178.
  3. « Ceux qui ont prétendu que les anciens naturalistes avaient fait de l’homme un animal s’étaient laissé tromper par le double sens de ces mois, ζῶον, animal, animans, que les auteurs grecs et latins appliquent à chaque instant à l’homme aussi bien qu’aux brutes. Sans doute ζῶον, animal, animans, c’est l’animal, dans le sens que nous donnons aujourd’hui à ce mot ; mais c’est aussi, c’est surtout dans un sens