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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

lumière vient à s’éloigner d’elle, il n’en garde rien ; tant qu’il reste soumis à son action, il est illuminé[1]. L’air est donc dans la lumière plutôt que la lumière n’est dans l’air. Aussi Platon, en expliquant la génération de l’univers, a-t-il avec raison placé le corps [du monde] dans l’Âme et non l’Âme dans le corps : il dit aussi qu’il y a une partie de l’Âme dans laquelle est le corps, et une autre partie dans laquelle il n’y a aucun corps[2], en ce sens qu’il y a des puissances de l’Âme dont le corps n’a pas besoin. Il en est de même des autres âmes : leurs puissances en général ne sont pas présentes au corps, les puissances dont le corps a besoin y sont seules présentes ; et elles y sont présentes sans être édifiées (ἐνιδρυθέτα)[3] ni sur les membres ni sur le corps entier ; pour la sensation, la faculté de sentir est présente tout entière à tout l’organe qui sent [au cerveau tout entier] ; il en est de même pour les autres fonctions. > (Enn. IV , liv. iii, § 21, 22.)

La doctrine exposée ici peut se résumer ainsi :

1° L’âme est présente au corps comme la lumière est présente à l’air ;

2° L’âme est présente au corps par les puissances dont l’exercice met en jeu les organes.

Quant aux deux passages de Platon auxquels Plotin fait allusion plus haut, l’un a déjà été cité p. 158, note 2. Voici l’autre :

« Dieu forma au dedans de l’Âme tout le monde des corps[4] et l’unit harmoniquement à elle en faisant coïncider le centre du corps avec celui de l’Âme. Et l’Âme, répandue partout depuis le centre jusqu’aux extrémités du ciel, l’entourant extérieurement de toutes parts et tournant sur elle-même, établit le divin commencement d’une vie

  1. La même comparaison se trouve dans le passage de saint Augustin que nous avons cité en note, p. 255.
  2. La partie de l’Âme universelle qui n’a point de rapport avec le corps est la Puissance principale de l’Âme ; celle qui fait vivre le corps par sa présence est la Puissance naturelle et génératrice. Voy. Enn. II, liv. iii, § 9, 18, p. 180, 191-193.
  3. « Le corps est édifié sur les puissances de l’Âme. (Enn. IV , liv. vii, 4). C’est une figure analogue à celles qu’on trouve dans le Zohar : « La forme de l’homme [la première, la plus complète et la plus élevée de toutes les manifestations divines] renferme tout ce qui est dans le ciel et sur la terre, les êtres supérieurs comme les êtres inférieurs. Tout ce qui est ne subsiste que par elle ; sans elle, il n’y aurait pas de monde, et c’est dans ce sens qu’il faut entendre ces mots : « l’Éternel a fondé la terre sur la sagesse. » (M. Franck, La Kabbale, p. 179.)
  4. Platon semble, à la page 30 du Timée, exprimer une opinion toute contraire : « Dieu a mis l’intelligence dans l’Âme et l’Âme dans le corps, et c’est ainsi qu’il a construit l’univers, afin que l’ouvrage qu’il exécutait fût très-beau et excellent par nature. »