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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

loin (p. 962), nous allons d’abord faire connaître la doctrine de notre auteur sur les rapports de l’âme et du corps, telle qu’elle est exposée dans le livre iii de l’Ennéade IV.

Plotin y critique en ces termes les système de ses devanciers :

« L’âme ne forme pas un mixte avec le corps[1]... Ni l’âme entière, ni aucune des parties de l’âme n’est dans le corps, comme dans un lieu[2], ou dans un vase, ou dans un sujet, ὅλως οὐδέν τῶν τῆς ψυχῆς μερῶν οὐδε πᾶσαν φατέον ὡς ἐν τόπῳ εἶναι ἐν σώματι, οὐδ’ ὡς ἐν ὑποϰειμένῳ. L’âme n’est pas dans le corps comme une partie dans un tout, ni comme une forme dans la matière[3], οὐδ’ ὡς μέρος ἐν ὅλῳ, οὐδ’ ὡς εἶδος ἐν ὕλῃ. » (Enn. IV, liv. iii, § 20.)

Dans ce passage, Plotin combat la doctrine des Stoïciens et celle des Péripatéticiens ; il est facile de reconnaître leurs formules.

Selon les Stoïciens, le corps et l’âme, ou, plus généralement, la qualité et le sujet, sont mêlés intimement : ils forment un mixte[4].

Selon les Péripatéticiens, l’âme est la forme du corps.

Voici, d’après M. Ravaisson (t. I, p. 419), le résumé de la doctrine d’Aristote sur ce point :

« Nul corps ne se change par soi-même qui ne vive. Le principe intérieur du changement, la nature, c’est le principe de la chaleur et de la vie, l’âme[5]. Le corps que la nature anime est l’instrument de l’âme[6]. Les parties différentes du corps sont des organes divers, qui ne sont rien que par leurs fonctions. La main que l’âme ne peut plus faire servir à ses fins n’est une main que de nom, comme si elle était de pierre ou de bois[7]. Mais toute nature a sa matière propre, dont elle n’est pas séparable : l’âme ne commande donc pas au corps comme le maître à l’esclave, comme une puissance indépendante qui peut se séparer de l’instrument qu’elle emploie ; elle n’y est pas comme dans une demeure qu’elle puisse abandonner. Ce n’est pas une substance voyageant de corps en corps, comme les Pythagoriciens se la représentent[8]. Ce n’est pas une substance, en général, un sujet, mais une raison et une forme (λόγος ϰαὶ εἶδος), la forme d’un seul et unique corps, dont elle fait la vie propre et l’individualité. Elle n’est pas le corps, mais sans le corps elle ne

  1. Voy. Enn. I, liv. i, § 3, p. 39.
  2. Voy. liv. viii, § 14, p. 137.
  3. Voy. liv. i, § 4, 5, p. 39-42. Plotin y examine si l’âme est une forme inséparable ou une forme séparable.
  4. Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 297.
  5. Aristote, De l’Âme, II, 4 ; p. 189 de la trad. de M. Barthélemy-St-Hilaire.
  6. De l’Âme, II, 1, 4 ; p. 166, 168, 190 de la trad.
  7. De l’Âme, II, 1 ; p. 167 de la trad.
  8. De l’Âme, I, 3 ; II, 3 ; p. 134, 180 de la trad.