« Si nous nous trouvions nous-mêmes dans un tel état [d’absence de conscience], nous qui sommes tout entiers à l’activité pratique et à la raison discursive, nous serions regardés comme insensés, fussions-nous même passablement raisonnables. »
C’est dire clairement, ce semble, que nous ne pouvons exercer la raison discursive qui nous constitue essentiellement, c’est-à-dire que nous ne pouvons concevoir, juger, raisonner sans savoir que nous concevons, jugeons, raisonnons ; que la conscience n’est pas le privilége de l’intelligence seule, qu’elle appartient encore à l’Âme raisonnable. Plotin d’ailleurs le dit expressément dans le livre iii de l’Ennéade V, § 4 :
« La raison discursive ne sait-elle pas qu’elle est la raison discursive et qu’elle a la compréhension des objets extérieurs ? Ne sait-elle pas qu’elle juge quand elle juge ? Ne sait-elle pas qu’elle juge au moyen des règles qu’elle a en elle-même et qu’elle tient de l’intelligence ? Mais conçoit-on une faculté qui ne sache pas qu’elle est et quelles sont ses fonctions ? »
Plotin a d’ailleurs fort bien vu que le fait de conscience implique unité, que c’est l’âme entière qui a conscience d’elle-même dans toutes ses opérations :
« Nous ne connaissons tout ce qui se passe dans chaque partie de l’âme que quand cela est senti par l’âme entière : par exemple, la concupiscence, qui est l’acte de l’appétit concupiscible, ne nous est connue que lorsque nous la percevons par le sens intérieur[1] ou par la raison discursive (ὄταν τῇ αἰσθητιϰῇ τῇ ἔνδον δυνάμει ἢ ϰαὶ διανοητιϰῇ ἀντιλαμβανώμεθα), ou par tous les deux à la fois. » (Enn. IV, liv. viii, § 8.)
Peut-on lire rien de plus explicite sur la conscience que le § 13 du livre i, p. 59 ?
« Quel est le principe qui fait toutes ces recherches ? Est-ce nous ? Est-ce l’âme ? C’est nous, mais au moyen de l’âme. S’il en est ainsi, comment cela se fait-il ? Est-ce nous qui considérons l’âme parce que nous la possédons, ou bien est-ce l’âme qui se considère elle-même ? C’est l’âme qui se considère elle-même. Pour cela, elle n’aura nullement à se mouvoir, ou bien, si on lui attribue le mouvement, il faut que ce soit un mouvement qui diffère tout à fait de celui des corps, et qui soit sa vie propre[2]. »
Quant à l’idée du moi, elle ne se trouve pas exprimée seulement