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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

elle est ou commune à tous les hommes, ou particulière à chacun d’eux, ou enfin commune et particulière à la fois : commune, parce qu’elle est indivisible, une et partout la même ; particulière, parce que chacun la possède tout entière dans la première âme. Nous possédons de même les idées de deux manières : dans l’âme [raisonnable], elles se présentent comme développées et séparées ; dans l’intelligence, elles existent toutes ensemble[1].

Dans le § 13, p. 50, Plotin revient encore sur cette idée en ces termes :

« L’intelligence aussi est nôtre, mais en ce sens que l’Âme est intelligente : la vie intellectuelle est pour nous une vie supérieure. L’âme jouit de cette vie soit quand elle pense les objets intelligibles, soit quand l’intelligence agit sur nous. L’intelligence est à la fois une partie de nous-mêmes et une chose supérieure à laquelle nous nous élevons. »

Saint Augustin a développé les mêmes idées sur ce sujet dans plusieurs de ses écrits[2]. Voici comment il s’exprime dans l’un d’eux :

« Tout ce que nous percevons, nous le percevons ou par le sens corporel ou par l’âme : l’un perçoit les choses sensibles, l’autre les choses intelligibles. Lorsqu’il s’agit en nos discours des choses que nous voyons par l’âme, c’est-à-dire par l’intelligence et la raison, nous exprimons au dehors ce qui nous apparaît au dedans à l’aide de

  1. Dans le § 3 du livre ii (p. 56), Plotin présente la même pensée sous une autre forme : « L’âme ne pense pas les objets intelligibles de la même manière que Dieu : ce qui est en Dieu ne se trouve en nous que d’une manière toute différente ou même ne s’y trouve pas du tout. Ainsi la pensée de Dieu n’est pas identique avec la nôtre. La pensée de Dieu est un premier principe dont la nôtre dérive et diffère. Comme la parole extérieure n’est que l’image de la parole intérieure de l’âme, la parole de l’âme n’est elle-même que l’image de la parole d’un principe supérieur ; et comme la parole extérieure paraît divisée quand on la compare à la parole intérieure de l’âme, celle de l’âme, qui n’est que l’interprète de la parole intelligible, est divisée par rapport à celle-ci. » Voy. p. 259, note 2.
  2. Voy. la traduction de la Cité de Dieu, par M. Saisset, t. I, Introduction, p. lxvii. En commentant les passages de saint Augustin qu’il cite, M. Saisset suppose que saint Augustin a puisé uniquement dans Platon ce qu’il dit sur les idées et sur l’Intelligence divine. Nous pensons qu’il a aussi emprunté à la doctrine néoplatonicienne qui est, sur ce sujet, beaucoup plus claire et plus explicite que celle de Platon, et qu’il cite fort exactement. (Voy. p. 262 de ce volume, note 4.) On trouve d’ailleurs dans la Cité de Dieu et les autres écrits de saint Augustin des expressions qui appartiennent à la terminologie de Plotin et de Porphyre.