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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

rités éternelles subsistent. C’est là aussi que je les vois. Tous les autres hommes les voient comme moi ces vérités éternelles ; et tous, nous les voyons toujours les mêmes... Quand j’entends actuellement la vérité que j’étais capable d’entendre, que m’arrive-t-il, sinon d’être actuellement éclairé de Dieu et rendu conforme à lui ?... L’âme qui cherche et qui trouve en Dieu la vérité se tourne vers lui pour la concevoir. Qu’est-ce donc que se tourner vers Dieu ? Est-ce que l’âme se remue comme un corps et quitte une place pour en prendre une autre. Mais certes un tel mouvement n’a rien de commun avec entendre. Ce n’est pas être transporté d’un lieu à un autre que de commencer à entendre ce qu’on n’entendait pas. On ne s’approche pas, comme on fait d’un corps, de Dieu qui est toujours partout invisiblement présent : l’âme l’a toujours en elle-même, car c’est par lui qu’elle subsiste. Mais pour voir, ce n’est pas assez d’avoir la lumière présente ; il faut se tourner vers elle, il faut lui ouvrir les yeux : l’âme a sa manière de se tourner vers Dieu, qui est sa lumière, parce qu’il est la vérité ; et se tourner à cette lumière, c’est-à-dire à la vérité, c’est, en un mot, vouloir l’entendre. » (De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. iv, § 6, 9, 10.)

Quant au principe d’Aristote que, pour les choses sans matière, l’être qui pense et l’objet qui est pensé se confondent et sont identiques, Plotin a consacré à son développement les livres iii et v de l’Ennéade V. Nous renvoyons donc à notre traduction de ces livres pour les observations qui se rapportent à la théorie de l’identité de l’intelligence et de l’intelligible.

Nous nous bornerons ici à indiquer la distinction que Plotin établit sous ce rapport entre l’Intelligence divine et l’intelligence humaine. Elle est nettement formulée dans le passage suivant du livre viii, § 2, p. 119.

« Il est un principe possédant une Beauté suprême ; il règne dans le monde intelligible, étant l’intelligence même, bien différente de ce que nous appelons les intelligences humaines : ces dernières en effet sont tout occupées de propositions, discutent sur le sens des mots, raisonnent, examinent la validité des conclusions, contemplent les choses dans leur enchaînement, incapables qu’elles sont de posséder la vérité a priori, et vides de toute idée avant d’avoir été instruites par l’expérience, quoiqu’elles soient cependant des intelligences. Telle n’est pas l’Intelligence première : tout au contraire, elle possède toutes choses ; elle est toutes choses, mais en restant en elle-même ; elle possède toutes choses, mais sans les posséder à la manière ordinaire, les choses qui subsistent en elle ne diffé-