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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

par le besoin. L’événement cependant fait voir dans la suite que la nature ne s’est point donné inutilement la peine de nous imprimer les connaissances innées, puisque sans elles il n’y aurait aucun moyen de parvenir à la connaissance actuelle des vérités nécessaires dans les sciences démonstratives. » (Nouveaux Essais, Avant-propos, et liv. i, § 25.)

Mais comment, dans la théorie de Plotin, nos idées peuvent-elles passer de la puissance à l’acte ? C’est par la conversion de l’âme vers l’Intelligence divine, comme il l’explique lui-même :

« Il faut, après avoir purifié l’âme, l’unir à Dieu ; or, pour l’unir à Dieu, il faut la tourner vers lui. Qu’obtient l’âme par cette conversion (ἐπιστροφή) ? L’intuition de l’objet intelligible, son image produite et réalisée en elle, image semblable à celle que l’œil a des choses qu’il voit. Faut-il en conclure que l’âme ne possédait pas cette image, et qu’elle n’en avait pas de réminiscence ? Elle la possédait sans doute, mais inactive, latente, obscure. Pour la rendre claire, pour connaître ce qu’elle possède, l’âme a besoin de s’approcher de la source de toute clarté. Or, comme elle ne possède que les images des intelligibles sans posséder les intelligibles mêmes, il est nécessaire qu’elle compare avec eux les images qu’elle en a. Il est facile à l’âme de contempler les intelligibles, parce que l’intelligence ne lui est pas étrangère ; il suffit à l’âme, pour entrer en commerce avec elle, de tourner vers elle ses regards. Sinon l’intelligence reste étrangère à l’âme, quoiqu’elle soit présente en elle. C’est ainsi que toutes nos connaissances sont pour nous comme si elles n’existaient pas quand nous ne nous en occupons pas. » (Enn. I, liv. ii, § 4, p. 57.)

Cette théorie de la conversion est toute platonicienne. De là résulte l’analogie qu’il y a entre les idées de Plotin à ce sujet et celles de saint Augustin, Bossuet, Fénélon et Malebranche. Voici les paroles de Bossuet :

« Si je cherche où et en quel sujet ces vérités subsistent éternelles et immuables comme elles sont, je suis obligé d’avouer un être où la vérité est éternellement subsistante et où elle est toujours entendue ; et cet être doit être la vérité même, et doit être toute vérité ; et c’est de lui que la vérité dérive dans tout ce qui est et ce qui s’entend hors de lui. C’est donc en lui, d’une certaine manière qui m’est incompréhensible, c’est en lui, dis-je, que je vois ces vérités éternelles ; et les voir, c’est me tourner à celui qui est immuablement toute vérité et recevoir ses lumières. Cet objet éternel, c’est Dieu, éternellement subsistant, éternellement véritable, éternellement la vérité même... C’est dans cet éternel que ces vé-