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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.
7. Intelligence.

Il y a, au sujet de l’intelligence, une différence importante entre Aristote, qui rejette la théorie platonicienne des idées, et Plotin, qui l’admet en la modifiant de manière à échapper aux objections du Péripatétisme. Cependant le traité De l’Âme contient des pensées et des expressions célèbres par leur profondeur, ainsi que par les interprétations diverses qu’en ont données les commentateurs, pensées et expressions qui sont reproduites dans ce livre de Plotin et dans les suivants. Nous allons les indiquer après avoir donné les passages d’Aristote où elles se trouvent exposées :

« Il est rationnel de croire que l’intelligence ne se mêle pas au corps : car elle prendrait alors une qualité ; elle deviendrait froide ou chaude, ou bien elle aurait quelque organe, comme en a la sensibilité. Mais maintenant elle n’a rien de pareil, et l’on a bien raison de prétendre que l’âme n’est que le lieu des formes [ou des idées, ὁ τῶν εἰδῶν τόπος[1]] ; encore faut-il entendre, non pas l’âme tout entière, mais simplement l’âme intelligente [ce par quoi l’âme raisonne et conçoit] ; et non pas les formes en toute réalité, en entéléchie, mais seulement les formes en puissance.

Du reste, on voit clairement, quand on considère les organes et la sensation, que l’impassibilité de la partie de l’âme qui sent, et celle de la partie intelligente, ne sont pas du tout semblables. La sensibilité, en effet, ne peut pas sentir l’objet quand la sensation qu’il produit est trop forte. Tout au contraire, l’intelligence, quand elle pense quelque chose de fortement intelligible, loin de penser moins bien les choses qui sont plus faibles, les pense encore mieux. C’est que la sensibilité ne peut s’exercer sans le corps, et que l’intelligence en est séparée...[2].

  1. « Philopon n’hésite pas à croire que ceci s’adresse à Platon ; je le pense aussi ; mais l’on ne saurait citer le passage même où se trouve l’expression qu’Aristote prête à son maître, si c’est bien de lui toutefois qu’il veut parler. » (Note de M. Barthélemy-Saint-Hilaire). La pensée est certainement platonicienne ; quant à l’expression même, elle se trouve dans Plotin, à la fin du liv. vi de l’Enn. I, p. 113 : « Le Beau intelligible est le lieu des idées. » Plotin dit encore, dans le livre qui nous occupe, § 8, p. 44, que nous possédons les idées de deux manières, dans l’âme et dans l’intelligence.
  2. Bossuet cite et commente ce passage d’Aristote dans son traité De la Connaissance de Dieu et de soi-même (ch. I, § 17) : « Par les choses qui ont été dites, il se voit de combien l’entendement est élevé au-dessus des sens. Premièrement, le sens est forcé à se tromper à