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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

Mais de même qu’il est toujours vrai qu’on voit la chose propre de la vue, et que c’est seulement quand on ajoute que cette chose est ou n’est pas un homme, qu’on peut n’être pas toujours dans le vrai ; de même, on voit toujours ainsi la vérité pour toutes les choses qui sont sans matière. » (De l’Âme, III, 6 ; p. 906-312 de la trad.)

Les lignes qui précèdent nous paraissent propres à expliquer un passage obscur qui se trouve dans le § 9 du livre i de Plotin, p. 46. Après avoir dit que l’imagination sensible nous induit souvent en erreur, il ajoute : « Il est encore d’autres cas où nous cédons à la partie inférieure : dans la sensation, par exemple, il nous arrive de voir [de nous imaginer] des choses qui n’existent pas, parce que nous nous en fions à la sensation commune avant d’avoir discerné les objets par la raison discursive. Mais dans ce cas, l’intelligence a-t-elle touché l’objet même ? Non, sans doute : ce n’est donc pas elle qui est coupable de l’erreur. On en pourra dire autant de nous selon que nous aurons ou non perçu l’objet, soit dans l’intelligence, soit en nous-mêmes (car on peut posséder une chose et ne pas l’avoir actuellement présente). » La pensée de Plotin est analogue à celle d’Aristote et peut se formuler ainsi : L’intelligence ne se trompe pas quand elle perçoit intuitivement l’objet sensible ou l’objet intelligible ; mais elle peut tomber dans l’erreur quand elle attribue une chose à une autre, non en la jugeant d’après son essence, mais en considérant une image qui provient de la sensation.


    tions, et laissent à l’entendement à juger des dispositions qu’ils marquent dans les objets. Ce qui se dit des sens se dit aussi de l’imagination qui ne nous apporte autre chose que des images de la sensation, qu’elle ne surpasse que dans la durée. Et tout ce que l’imagination ajoute à la sensation est une pure illusion, qui a besoin d’être corrigée, comme quand, ou dans les songes, ou par quelque trouble, j’imagine les choses autrement que je ne les vois. Ainsi, tant en dormant qu’en veillant, nous nous trouvons souvent remplis de fausses imaginations, dont le seul entendement peut juger. C’est pourquoi tous les philosophes sont d’accord qu’il n’appartient qu’à lui seul de connaître le vrai et le faux et de discerner l’un d’avec l’autre. C’est aussi lui seul qui remarque la nature des choses... Par la même raison, il n’y a que l’entendement qui puisse errer. À proprement parler, il n’y a point d’erreur dans le sens, qui fait toujours ce qu’il doit, puisqu’il est fait pour opérer selon les dispositions non-seulement des objets, mais des organes. C’est à l’entendement, qui doit juger des organes mêmes, à tirer des sensations les conséquences nécessaires ; et s’il se laisse surprendre, c’est lui qui se trompe. » Voy. encore le § 16 du même chapitre.