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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

redoutable, l’affection dont nous sommes aussitôt saisis est pareille à l’objet ; et de même quand nous avons opinion de quelque chose de hardi... L’opinion est, comme l’imagination, vraie et fausse. Mais la croyance est la conséquence de l’opinion, puisqu’il est impossible, quand on a une opinion, que l’on ne croie pas aux choses dont on a l’opinion.... L’opinion accompagne la sensation ou vient de la sensation. Elle doit s’appliquer à la chose seulement dont il y a sensation. » (De l’Âme, III, 3 ; p. 280 de la trad.)

5. Imagination.

Nous avons dit plus haut, § II, p. 32, que Plotin distingue deux espèces d’imagination, l’imagination sensible et l’imagination intellectuelle. Voici comment il s’exprime au sujet de la première :

« La représentation sensible ou imagination est l’impression faite par un objet extérieur sur la partie irrationnelle de l’âme[1], partie qui ne peut recevoir cette impression que parce qu’elle n’est pas indivisible. » (Enn. I, liv. viii, § 15, p. 139.)

La pensée discursive, qui apprécie les formes venant de la sensation, qui sent en quelque sorte les images, est la faculté essentielle et constitutive de l’âme véritable... Souvent nous cédons aux appétits, à la colère, nous sommes dupes de quelque image imparfaite : la conception des choses fausses, l’imagination, n’attend pas le jugement de la raison discursive (liv. i, § 9, p. 45-46). »

Ce que Plotin dit ici de l’imagination sensible[2], paraît emprunté à la théorie d’Aristote :

« L’imagination est tout autre chose que la sensation et que la pensée. Elle ne se produit pas, il est vrai, sans la sensation, et sans elle il n’y a pas de conception ; mais on voit facilement que l’imagination et la conception ne sont pas identiques... Si l’imagination est la faculté par laquelle nous disons qu’une image se présente ou ne se présente pas à nous (et ce mot n’est pas ici une simple métaphore), elle est une faculté ou une habitude de ces

  1. « Toutes les fois qu’un objet une fois senti par le dehors demeure intérieurement, ou se renouvelle dans ma pensée avec l’image de la sensation qu’il a causée à mon âme, c’est ce que j’appelle imaginer. La faculté où se fait cet acte s’appelle imagination ou fantaisie, d’un mot grec qui slgnifie à peu près la même chose, c’est-à-dire se faire une image. Cet acte d’imaginer accompagne toujours l’action des sens extérieurs. » (Bossuet, ibidem, chap. I, § 4, 5.)
  2. Sur l’imagination sensible et l’imagination intellectuelle, Voy. plus loin les extraits du Commentaire de Ficin.