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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

elles aussi des images ; mais sans les images, elles ne seraient pas. » (De l’Âme, II, 8 ; p. 321-323 de la trad.)

3. Rapports de la sensibilité avec les appétits et les passions.

« Les passions sont des manières de sentir, ou du moins elles ne sauraient exister sans la sensation (livre i, § 1, p. 36)... le corps, en participant à la vie, ne devra-t-il pas recevoir la sensation et les passions qui en dérivent ? C’est donc le corps qui éprouvera le désir : car c’est lui qui jouira des objets désirés ; c’est le corps qui éprouvera la crainte : car c’est lui qui pourra voir échapper les plaisirs qu’il recherche, c’est lui enfin qui sera exposé à périr (liv. i, § 4, p. 39). ... C’est pour le composé de l’âme et du corps que nous éprouvons de la crainte : nous craignons qu’il ne soit dissous ; la cause de nos douleurs et de nos souffrances, c’est sa dissolution ; enfin, le but de tous nos appétits, c’est d’écarter ce qui le trouble ou de prévenir ce qui pourrait le troubler[1]. » (Enn. I, liv. viii, § 15, p. 139.)

Ce que Plotin dit ici sur les rapports de la sensibilité avec les appétits et les passions est conforme à la doctrine d’Aristote :

« L’objet sensible paraît mettre en acte la sensibilité qui n’est

  1. « Le plaisir et la douleur accompagnent les opérations des sens... Ces deux sentiments naissent en nous à la présence de certains corps qui nous accommodent ou nous blessent... Les sensations servent à l’âme à s’instruire de ce qu’elle doit rechercher ou fuir pour la conservation du corps qui lui est uni... Du plaisir et de la douleur naissent dans l’âme certains mouvements que nous appelons passions, appétits ou répugnances. Nous pouvons définir la passion : un mouvement de l’âme, qui, touchée du plaisir ou de la douleur ressentie ou imaginée dans un objet, le poursuit ou s’en éloigne. On compte ordinairement onze passions : l’amour, la haine, le désir, l’aversion, la joie, la tristesse ; l’audace (ou la hardiesse, ou le courage), la crainte, l’espérance, le désespoir, la colère. Les six premières passions, qui ne présupposent dans leurs objets que la présence ou l’absence, sont rapportées par les anciens philosophes à l’appétit qu’ils appellent concupiscible. Et pour les cinq dernières, qui ajoutent la difficulté à l’absence ou à la présence de l’objet, ils les rapportent à l’appétit qu’ils appellent irascible. Ils appellent appétit concupiscible celui où domine le désir ou la concupiscence ; et irascible, celui où domine la colère. Cet appétit a toujours quelque difficulté à surmonter ou quelque effort à faire, et c’est ce qui émeut la colère. L’appétit irascible serait peut-être appelé plus convenablement courageux. Les Grecs, qui ont fait les premiers cette distinction d’appétits, expriment par un même mot la colère et le courage ; et il est naturel de nommer appétit courageux celui qui doit surmonter les difficultés. (Bossuet, ibidem, chap. I, § 6, et chap. III, § 8.)