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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

et c’est la première et la plus commune des facultés de l’âme, celle par laquelle la vie appartient à tous les êtres animés. Ses actes sont d’engendrer et d’employer la nourriture[1]. L’acte le plus naturel aux êtres vivants qui sont complets, et qui ne sont ni avortés, ni produits par génération spontanée, c’est de produire un autre être pareil à eux, l’animal un animal, la plante une plante, afin de participer de l’éternel et du divin autant qu’ils le peuvent[2]. Tous, en effet, ont ce désir instinctif ; et c’est en vue de cet acte qu’ils font ce qu’ils font selon la nature. Mais comme ces êtres ne peuvent jouir de l’éternel et du divin par leur propre continuité, parce que aucun des êtres périssables ne saurait demeurer identique et un numériquement, chacun d’eux y participe pourtant dans la mesure où il le peut, les uns plus, les autres moins ; et si ce n’est pas l’être même qui subsiste, c’est presque lui : s’il n’est pas un en nombre, il est du moins un en espèce[3] ». » (De l’Âme, II, 4 ; p. 188 de la trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire.)


2. Nature de la sensation. Rapports de la sensation avec l’imagination, l’opinion
et la raison discursive.

« La sensation est la perception d’une forme ou d’un corps impassible. Le raisonnement et l’opinion se rapportent à la sensation[4]. » (Enn. I, liv. i, § 2, p. 38.)

  1. L’Âme végétative est ce qu’on appelle encore à Montpellier le principe vital, et presque partout la force vitale. » (Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Histoire générale des règnes organiques, t. II, p. 69.)
  2. Cette idée est empruntée au Banquet de Platon. Voy. la trad. de M. Cousin, t. VI, p. 311.
  3. Plotin développe cette pensée dans le livre i de l’Ennéade II, § 1, p. 143-144.
  4. Ce rapport de la sensation avec le raisonnement est expliqué dans le passage suivant de Bossuet : « Nous pouvons définir la sensation : la première perception qui se fait dans notre âme à la présence des corps, que nous appelons objets, et ensuite de l’impression qu’ils font sur les organes de nos sens... La première chose que j’aperçois en ouvrant les yeux, c’est la lumière et les couleurs. Je puis bien ensuite avoir diverses pensées sur la lumière, en rechercher la nature, en remarquer les réflexions et les réfractions. Mais toutes ces pensées ne me viennent qu’après cette perception sensible et la lumière que j’ai appelée sensation. » (De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. I, § 1.) Nous citerons encore plusieurs fois cet ouvrage de Bossuet, parce que la théorie des facultés de l’âme qui s’y trouve exposée ressemble encore plus à celle de Plotin qu’à celle d’Aristote. La raison en est fort simple. Plotin et Bossuet se sont proposé le même but : concilier Platon et Aristote ; ils ont puisé des sources analogues : Plotin a fondé sa théorie sur le traité De l’Âme d’Aristote et les dialogues de Platon ; Bossuet, sur les écrits