Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/471

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
330
NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.

la justice et la beauté[1] ; enfin, il faut que nous ayons en nous la cause et le principe de l’Intelligence, Dieu, qui n’est point divisible, qui subsiste, non dans un lieu, mais en lui-même, qui est contemplé par une multitude d’êtres, par chacun des êtres aptes à le recevoir, mais qui reste distinct de ces êtres, de même que le centre subsiste en lui-même, tandis que les rayons viennent tous aboutir à lui de tous les points de la circonférence. C’est ainsi que nous-mêmes, par une des parties de nous-mêmes, nous touchons à Dieu, nous nous y unissons, nous y sommes en quelque sorte suspendus (ἐφαπτόμεθα, σύνεσμεν, ἁνηρτήμεθα) ; or, nous sommes édifiés en lui (ἐνιδρύμεθα) quand nous nous tournons vers lui[2]. » (Enn. V, liv. i, § 10, 11.)

B. Rapprochements entre la doctrine de Plotin et celle d’Aristote.

En composant le livre I, Plotin a pris pour texte et pour modèle le traité De l’Âme d’Aristote. Il en imite le début et le plan[3], en

  1. Nos philosophes de prédilection [les Platoniciens] ont parfaitement distingué ce que l’esprit conçoit de ce qu’atteignent les sens, ne retranchant rien à ceux-ci de leur domaine légitime, n’y ajoutant rien, et déclarant nettement que cette lumière de nos intelligences qui nous fait comprendre toutes choses, c’est Dieu même qui a tout créé. » (Saint Augustin, Cité de Dieu, VIII, 7 ; t. II, p. 84 de la trad.) Développant la pensée de saint Augustin, Bossuet dit : « Rien ne sert tant à l’âme pour s’élever à son auteur que la connaissance qu’elle a d’elle-même et de ses sublimes opérations que nous avons appelées intellectuelles. L’entendement a pour objet les vérités éternelles... qui sont quelque chose de Dieu, ou plutôt sont Dieu même... L’âme, faite à l’image de Dieu, capable d’entendre la vérité, qui est Dieu même, se tourne actuellement vers son original, c’est-à-dire vers Dieu, qui est toujours et partout invisiblement présent ; l’âme l’a toujours en elle-même : car c’est par lui qu’elle subsiste. » (De la Connaissance de Dieu et de soi-même, chap. IV, § 5, 9, 10.)
  2. Dans sa Lettre au pape Innocent XI (§ 7), Bossuet dit encore : « Nous avons fait un traité De la connaissance de Dieu et de soi-même, où nous expliquons la nature de l’esprit par les choses que chacun expérimente en soi, et faisons voir qu’un homme qui sait se rendre présent à lui-même trouve Dieu plus présent que toute autre chose, puisque sans lui il n’aurait ni mouvement, ni esprit, ni vie, ni raison ; selon cette parole vraiment philosophique de l’apôtre prêchant à Athènes, c’est-à-dire dans le lieu où la philosophie était comme dans son fort : « Il n’est pas loin de chacun de nous, puisque c’est en lui que nous vivons, que nous sommes mus et que nous sommes ; et encore : puisqu’il nous donne à tous la vie, la respiration, et toutes choses (Actes, XVII, 25, 27, 28). »
  3. Comme Aristote, Plotin commence par discuter les diverses hypothèses qu’on peut faire sur le sujet qu’il traite, puis il expose sa propre théorie. Nous reviendrons plus loin sur ce point, p. 869.