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PREMIÈRE ENNÉADE, LIVRE I.

au-dessous de la seconde hypostase, qui est la Pensée du Père, tandis que Porphyre, en faisant de l’Âme une substance mitoyenne[1], ne la place pas au-dessous des deux autres, mais entre les deux. Porphyre, sans doute, a parlé comme il a pu, ou comme il a voulu : car nous disons, nous, que le Saint-Esprit n’est pas seulement l’esprit du Père, ou l’esprit du Fils, mais l’esprit du Père et du Fils. Aussi bien les philosophes sont libres dans leurs expressions, et, en parlant des plus hautes matières, ils ne craignent pas d’offenser les oreilles pieuses. Mais nous, nous sommes obligés de soumettre nos paroles à une règle précise, de crainte que la licence dans les mots n’engendre l’impiété dans les choses. Lors donc que nous parlons de Dieu, nous n’affirmons pas deux ou trois principes, pas plus que nous n’avons le droit d’affirmer deux ou trois dieux ; et toutefois, en affirmant tour à tour le Père, le Fils, le Saint-Esprit, nous disons de chacun qu’il est Dieu. Car nous ne tombons pas dans l’hérésie des Sabelliens, qui soutiennent que le Père est identique au Fils, et que le Saint-Esprit est identique au Père et au Fils ; nous disons, nous, que le Père est le père du Fils, que le Fils est le fils du Père, et que le Saint-Esprit est l’esprit du Père et du Fils, sans être ni le Père ni le Fils. Il est donc vrai de dire que le Principe seul purifie l’homme, et non les Principes, comme l’ont soutenu les Platoniciens. Mais Porphyre, soumis à ces puissances envieuses dont il rougissait sans oser les combattre ouvertement, n’a pas voulu reconnaître que le Seigneur Jésus-Christ est le Principe qui nous purifie par son incarnation. » (Cité de Dieu, X, 23, 24 ; t. II, p. 229 de la trad. de M. Saisset.)

Saint Augustin dit encore en s’adressant à Porphyre :

« Tu reconnais hautement le Père, ainsi que son Fils, que tu appelles l’Intelligence du Père, et enfin un troisième principe, qui tient le milieu entre les deux autres, et où il semble reconnaître le Saint-Esprit. Voilà, pour dire comme vous, les trois Dieux. Si peu exact que soit ce langage, vous apercevez pourtant, comme à l’ombre d’un voile, le but où il faut aspirer ; mais le chemin du saint, mais le Verbe immuable fait chair, qui seul peut nous élever jusqu’à ces objets de notre foi où notre intelligence n’atteint qu’à peine : voilà ce que vous ne voulez pas reconnaître. » (Ibid., X, 29 ; p. 244 de la trad.)

  1. Il ne nous reste aucun document qui soit propre à éclaircir le point dont parle ici saint Augustin. Voy. M. Vacherot, Hist. de l’École d’Alexandrie, t. II, p. 37.