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LIVRE NEUVIÈME.

vôtre y attache l’âme. — C’est comme si deux hôtes habitaient ensemble une belle maison, que l’un en blâmât la disposition et l’architecte et y restât cependant, tandis que l’autre, au lieu de blâmer l’architecte, louerait son habileté, et attendrait le temps où il doit quitter cette maison, parce qu’il n’en aura plus besoin : le premier se croirait plus sage et mieux préparé à partir parce qu’il aurait appris à répéter que les murs sont composés de pierres et de poutres, objets inertes, que cette maison est loin de répondre à l’idée de la maison intelligible ; ne sachant pas que toute la différence qu’il y a entre lui et son compagnon, c’est que lui, il ne fiait pas supporter des choses nécessaires, et que son compagnon [qui ne blâme pas cette maison] saura s’en éloigner sans regret parce qu’il n’aime qu’avec modération la beauté des édifices de pierre. Il faut bien, tant que nous avons un corps, demeurer dans ces maisons construites par l’Âme du monde[1], notre sœur bienveillante, qui a la puissance de faire de si grandes choses sans travail[2].

Les Gnostiques ne dédaignent pas d’appeler frères[3] les plus pervers des hommes, et ils refusent ce nom au soleil, aux autres dieux du ciel, à l’Âme du monde même, insensés qu’ils sont ! Sans doute, pour nous unir ainsi aux astres par les liens de la parenté, il faut que nous ne soyons plus pervers, que nous soyons devenus bons, qu’au lieu d’être des corps, nous soyons des âmes dans des corps, et que,


    êtes les enfants de la vie éternelle ; vous avez voulu vous partager la mort pour la vaincre, pour la consumer, pour la détruire, pour l’anéantir en tous et par vous. Si vous dissolvez le monde sans vous laisser dissoudre par lui, vous dominez toutes les choses créées et périssables. » (Stromates, IV, p. 509.).

  1. Les maisons construites par l’Âme du monde sont les corps qu’elle a organisés pour recevoir les âmes humaines. Voy. p. 275, note 7.
  2. Voy. Enn. III, liv. iv, § 6 ; Enn. V, liv. i, § 2-6.
  3. Les Gnostiques se servaient de ce terme comme les catholiques. Ptolémée, dans sa lettre à Flora, appelle cette dame Ma sœur, » ὦ ἀδελφή μου. (Œuvres de S. Irénée, p. 361 de l’éd. Massuet.)