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LIVRE NEUVIÈME.

juste du monde : ils comprendront combien est grande la puissance de l’âme, puisqu’elle fait participer à la beauté, autant qu’il en est capable, le corps qui n’a aucune beauté par sa nature, mais qui [embelli par l’Âme] ravit les âmes divines.

Les Gnostiques prétendent-ils rester insensibles à la beauté du monde et ne faire aucune différence entre les corps qui sont beaux et ceux qui sont laids ? Alors ils ne doivent pas distinguer le bon goût du mauvais, ni reconnaître de la beauté dans les sciences, dans la contemplation, dans Dieu même : car ce n’est que par leur participation aux premiers principes que les êtres sensibles sont beaux[1]. S’ils ne sont pas beaux, les premiers principes ne sauraient non plus l’être ; par conséquent les êtres sensibles sont beaux, tout en l’étant moins que les êtres intelligibles. Le mépris que les Gnostiques professent pour la beauté sensible est louable, s’il ne se rapporte qu’à celle des femmes et des jeunes garçons, et s’il n’a d’autre but que de conduire à la chasteté. Mais, sachez-le bien, ils ne se glorifient pas de mépriser ce qui est laid ; ils se glorifient de mépriser ce qu’ils avaient d’abord reconnu et aimé comme beau.

Remarquez en outre que l’on ne trouve pas la même beauté dans les parties que dans le tout, dans les individus que dans l’univers, qu’il y a dans les choses sensibles et dans les individus, dans les démons[2], par exemple, des beautés assez grandes pour nous faire admirer leur créateur, et nous prouver que ce sont bien ses œuvres. Par là nous pouvons arriver à concevoir l’ineffable beauté de l’Âme


    pris de ceux qui l’y avaient lu, soit que la force de son génie l’ait élevé de la connaissance des ouvrages visibles de Dieu à celle de ses grandeurs invisibles, soit enfin qu’il ait été instruit par ceux qui étaient parvenus à ces hautes vérités. » (Cité de Dieu, XI, 21 ; t. II, p. 300 de la trad. de M. Saisset.)

  1. Voy. le passage du Banquet de Platon cité p. 422-424.
  2. Voy. Enn. III, liv. iv.