Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
306
DEUXIÈME ENNÉADE.

dant d’après un modèle intelligible, pour que ce qui est engendré égale autant que possible par sa grandeur la nature indivisible de son modèle : car à la grandeur de la puissance intelligible correspond ici-bas la grandeur de la masse sensible. Que les Gnostiques considèrent donc la sphère céleste, soit qu’ils la conçoivent comme mise en mouvement par la puissance divine qui en contient le principe, le milieu et la fin, soit même qu’ils se l’imaginent comme immobile et n’exerçant encore son action sur aucune des choses qu’elle gouverne par sa révolution ; ils arriveront des deux façons à se faire une idée juste de l’Âme qui préside à cet univers. Qu’ils conçoivent ensuite cette Âme unie à un corps, tout en restant impassible, et communiquant à ce corps, autant que celui-ci est capable d’y participer, quelques-unes de ses perfections (car la divinité ne saurait être envieuse)[1], ils se formeront une idée

  1. Voici le passage de Platon auquel Plotin fait allusion : « Disons la cause qui a porté le suprême Ordonnateur à produire et à composer cet univers. Il était bon, et celui qui est bon n’a aucune espèce d’envie. Exempt d’envie, il a voulu que toutes choses fussent autant que possible semblables à lui-même. Quiconque, instruit par les hommes sages, admettra ceci comme la raison principale de l’origine et de la formation du monde sera dans le vrai… Celui qui est parfait en bonté n’a pu et ne peut rien faire qui ne soit très-bon. » (Timée, p. 29 ; t. XI, p. 110 de la trad. de M. Cousin.) Saint Augustin dit à ce sujet : « Comme il était important de nous apprendre trois choses touchant la créature : qui l’a faite, par quel moyen, et pourquoi elle a été faite, l’Écriture a marqué tout cela en disant : « Dieu dit : Que la lumière soit faite, et la lumière fut faite, et Dieu vit que la lumière était bonne. » Ainsi, c’est Dieu qui a fait toutes choses ; c’est par sa parole qu’il les a faites, et il les a faites parce qu’elles sont bonnes. Il n’y a point de plus excellent ouvrier que Dieu ni d’art plus efficace que sa parole, ni de meilleure raison de la création que celle-ci : une œuvre bonne a été produite par un bon ouvrier. Platon apporte aussi cette raison de la création du monde et dit qu’il était juste qu’une œuvre bonne fût produite par un Dieu bon ; soit qu’il ait lu cela dans nos livres, soit qu’il l’ait ap-