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LIVRE NEUVIÈME.

Comment une pareille assertion ne serait-elle pas une inconséquence ? Les Gnostiques prétendent que la Providence divine ne s’occupe que d’eux-mêmes. Est-ce pendant qu’ils vivaient là-haut, ou seulement depuis qu’ils vivent ici-bas ? Dans le premier cas, pourquoi sont-ils descendus sur la terre ? Dans le second, pourquoi y restent-ils[1] ? Pourquoi d’ailleurs Dieu ne serait-il pas aussi présent ici-bas ? Comment sans cela peut-il savoir que les Gnostiques, qui sont ici-bas, ne l’ont pas oublié et ne sont pas devenus pervers ? S’il connaît ceux qui ne sont pas devenus pervers, il connaît aussi ceux qui le sont devenus, afin de les distinguer des autres. Il faut donc qu’il soit présent à tous les hommes et au monde entier, de quelle façon que ce soit. Ainsi le monde participera de Dieu. Si Dieu privait le monde de sa présence, il vous en priverait aussi, et vous ne pourriez rien dire ni de lui ni des êtres qui sont au-dessous de lui. Que Dieu vous protége par sa Providence ou par son aide [sa grâce], quelque nom que vous lui donniez, le monde certainement tient de lui l’existence ; il n’en a jamais été, il n’en sera jamais abandonné. Le monde a plus le droit que les individus d’occuper la Providence, de participer aux perfections divines[2]. Cela est vrai surtout pour l’Âme univer-

  1. Voy. la Note, p. 528, 531.
  2. À l’appui des idées que Plotin développe ici sur l’intervention de la Providence divine dans le monde visible, nous pouvons invoquer l’autorité de saint Augustin, qui cite notre auteur sur cette question même : « L’espèce humaine, représentée par le peuple de Dieu, peut être assimilée à un seul homme dont l’éducation se fait par degrés. La suite des temps a été pour ce peuple ce qu’est la suite des âges pour un individu, et il s’est peu à peu élevé des choses temporelles aux choses éternelles, et du visible à l’invisible ; et toutefois, alors même qu’on lui promettait des biens visibles pour récompense, on ne cessait de lui commander d’adorer un seul Dieu, afin de montrer à l’homme que, pour ces biens eux-mêmes, il ne doit point s’adresser à un autre qu’à son maître et créateur. Quiconque en effet ne conviendra pas qu’un seul Dieu tout-puissant est le maître absolu de tous les biens que les anges ou les