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LIVRE NEUVIÈME.

qui a été honorée par tous les siècles[1] ; pour ne laisser subsister aucune honnêteté, ils détruisent la tempérance en la raillant, ils attaquent la justice soit naturelle, soit acquise par la raison ou par l’exercice ; en un mot, ils anéantissent tout ce qui peut conduire à la vertu[2]. Il ne reste donc qu’à rechercher la volupté, qu’à professer l’égoïsme, qu’à renoncer à toute société avec les hommes, qu’à songer uniquement à son intérêt personnel, à moins qu’on n’ait un naturel assez bon par soi-même pour résister à leurs pernicieuses leçons. Ils n’estiment rien de ce que nous regardons comme bon, et ils recherchent toute autre chose[3].

  1. Les Carpocratiens disaient : « Jésus a communiqué une doctrine mystérieuse à ses disciples en leur parlant à chacun en particulier, et il leur a recommandé de ne transmettre cet enseignement qu’à ceux qui en sont dignes et qui croient : car il n’y a que la foi et la charité qui sauvent. Toutes les autres choses sont indifférentes ; elles ne sont appelées bonnes ou mauvaises que d’après l’opinion des hommes ; aucune d’elles n’est naturellement mauvaise. » (S. Irénée, I, 25.) Les Valentiniens prétendaient que la Loi formulée dans le Pentateuque de Moïse avait pour auteur le Démiurge, et, par conséquent, était imparfaite. Voy. p. 302, note 1.
  2. Saint Irénée (1, 6) fait aux Gnostiques les mêmes reproches que Plotin : « Commettant une foule d’actions honteuses et impies, et nous voyant éviter de pécher même dans nos pensées et dans nos paroles, parce que nous craignons Dieu, les Valentiniens nous raillent ; ils se donnent les noms de parfaits et de semences d’élection : ils disent que nous ne recevons la grâce que par les bonnes œuvres, et que nous la perdrons pour cette raison ; qu’eux, au contraire, ils reçoivent du ciel la grâce en vertu d’une union ineffable, et que, pour cette raison, ils la verront sans cesse s’accroître à leur égard... Ils enseignent que nous, qu’ils appellent des hommes psychiques et mondains, nous devons faire de bonnes œuvres pour arriver à la Région intermédiaire [la région planétaire], tandis qu’ils n’ont pas besoin de bonnes œuvres, parce qu’ils sont des hommes pneumatiques et parfaits : car ce ne sont pas les œuvres qui font entrer dans le Plérôme, c’est le germe pneumatique qu’ils possèdent, germe qui, descendu de là-haut dans un état imparfait, arrive ici-bas à la perfection. »
  3. Voy. Porphyre, De l’Abstinence des viandes, liv. 1, 41-45.