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DEUXIÈME ENNÉADE.

là leur pensée, s’ils prétendent seulement exprimer par des sons des choses qui ne tombent pas sous les sens, alors, en voulant rendre leur art plus respectable, ils lui ôtent eux-mêmes, sans y prendre garde, tout titre à notre respect.

Ils se glorifient encore de chasser les maladies. Si c’était par la tempérance, par une vie bien réglée, comme les philosophes, ils auraient une prétention raisonnable. Mais ils affirment que les maladies sont des démons (δαιμόνια)[1], qu’ils peuvent les chasser par leurs paroles, et ils s’en vantent afin de passer pour des hommes vénérables auprès du vulgaire, toujours porté à admirer la puissance de la magie. Ils ne sauraient persuader à des hommes raisonnables que nos maladies n’ont pas des causes appréciables, comme la fatigue, la plénitude, la vacuité, la corruption, en un mot une altération qui a un principe intérieur ou extérieur. On le voit par la nature même des remèdes : souvent on chasse la maladie en dégageant les intestins, ou en donnant une potion ; souvent aussi on a recours à la diète et à une saignée. Est-ce parce que le démon a faim, ou que la potion le fait dépérir ? Quand une personne est guérie immédiatement, le démon reste ou sort. S’il reste, comment sa présence n’empêche-t-elle pas la guérison ? S’il sort,


    noms de Dieu les maladies qui peuvent atteindre les diverses parties de notre corps (M. Franck, La Kabbale, p. 203). Enfin on a conservé des pierres gnostiques, qui servaient de talismans : les plus célèbres sont celles sur lesquelles est inscrit le mot abraxas, mot formé pour exprimer en lettres grecques les 365 intelligences célestes qui composaient le Plérôme de Basilide : « Tous les symboles dont le sens nous est connu, dit M. Matter, et toutes les inscriptions que nous pouvons déchiffrer nous portent à croire que les pierres gnostiques ont eu pour but de procurer à leurs possesseurs la protection des Intelligences du Plérôme et de les préserver de la colère et de la séduction des mauvais esprits. » (Histoire du Gnosticisme, t. I, p. 421.) Voy. la Note, p. 537.

  1. Le mot démons signifie ici mauvais esprits, comme dans le Nouveau Testament.