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LIVRE NEUVIÈME.

mauvaise la nature [la puissance végétative et génératrice], parce qu’elle n’est pas la sensibilité ; ni la sensibilité, parce qu’elle n’est pas la raison. Sinon, l’on sera conduit à admettre qu’il y a du mal même dans le monde intelligible : en effet, l’Âme est inférieure à l’Intelligence, et l’Intelligence l’est elle-même à l’Un.

XIV. Une autre erreur des Gnostiques, c’est d’enseigner que les êtres intelligibles ne sont pas en dehors de toute atteinte. Quand les Gnostiques prononcent des paroles magiques (ἐπαοιδαὶ), et qu’ils les adressent à ces êtres, non-seulement à l’Âme, mais encore aux principes qui lui sont supérieurs, que veulent-ils faire ? les enchanter (γοητείαι), les charmer (θέλξεις), les toucher (πείσεις), répondront-ils[1]. Ils croient donc que les êtres divins nous prêtent l’oreille, et qu’ils obéissent à celui qui sait habilement prononcer ces chants (μέλη), ces cris (ἦχοι), ces aspirations (προσπνεύσεις), ces sifflements (σιγμοὶ τῆς φωνῆς), tous ces sons auxquels ils attribuent une puissance magique[2]. Si ce n’est pas

  1. Saint Irénée fait aux Gnostiques le même reproche que Plotin : « Ils se livrent à des opérations magiques, emploient des enchantements (ἐπωδαὶ), des charmes (χαριστήρια), composent des philtres (φίλτρα), ont des parèdres (πάρεδροι) et des oniropompes (ὀνειροπομποὶ) ; ils disent qu’ils ont le pouvoir de commander aux Princes de ce monde, aux Anges qui l’ont formé, et à toutes les créatures qu’il contient. » (Saint Irénée, I, 25, p. 103. de l’éd. Massuet.) Voici la note de Massuet sur les parèdres et les oniropompes : « Dæmones paredri dicebantur qui hominibus assistebant et morbos atque infortunia ab illis avertere credebantur. Magos ejusmodi dæmones habuisse adsistentes sibi et obsequentes, quorum opere multa portenta ederent scribit Tertullianus (Apologetic., xxvii). Quum illi spiritus hominibus somnia injiciebant, vocabantur oniropompi. » Voy. la Note, p. 536.
  2. Les Gnostiques attribuaient un pouvoir magique aux différents noms que Dieu a en hébreu : Iao, Sabaoth, Adonaï, etc., comme on le voit par les écrits d’Origène (Exhortatio ad martyrium, 46 ; Contra Celsum, I, 24). Ils paraissent s’être, sous ce rapport, inspirés de la Kabbale : car on trouve dans les Tikonnim (suppléments du Zohar) la prétention de guérir par les différents