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DEUXIÈME ENNÉADE.

les causes[1]. D’ailleurs les événements qui proviennent réellement des astres diffèrent entre eux par les circonstances[2]. Il n’est pas en effet possible que les mêmes choses arrivent à tous les hommes, séparés comme ils le sont par l’époque de leur naissance, par les lieux où ils se trouvent, par les dispositions de leurs âmes. Il n’est pas non plus raisonnable de demander que tous soient bons, ni, parce que c’est impossible, d’aller se plaindre aussitôt dans l’idée que les choses sensibles doivent être semblables aux choses intelligibles[3]. Enfin, il ne faut pas croire que le mal soit autre chose que ce qui est moins complet par rapport à la sagesse, moins bon, en suivant toujours une gradation décroissante[4] : par exemple, il ne faut pas appeler

  1. Voy. Enn. II, liv. iii, p, 174.
  2. Voy. plus haut, p. 182.
  3. Voy. plus haut, p. 192, et 285, note 1.
  4. Plotin enseigne, comme son maître Platon l’avait fait dans les Lois (X, t. VIII, p. 265 de la trad. de M. Cousin), que le bien seul est positif, tandis que le mal n’existe que négativement. On sait que saint Augustin a professé ensuite la même doctrine. Voici un passage de la Cité de Dieu, où il s’exprime à peu près dans les mêmes termes que Plotin : « Il n’y a aucune nature mauvaise, et le mal n’est qu’une privation du bien ; mais depuis les choses de la terre jusqu’à celles du ciel, depuis les visibles jusqu’aux invisibles, il en est qui sont meilleures les unes que les autres, et leur existence à toutes tient essentiellement à leur inégalité. Or Dieu n’est pas moins grand dans les petites choses que dans les grandes : car il ne faut pas mesurer les petites par leur grandeur naturelle, qui est presque nulle, mais par la sagesse de leur auteur. » (Cité de Dieu, XI, 22 ; t. II, p. 302 de la trad. de M. Saisset.)

    Leibnitz dit aussi, dans sa Théodicée (I, 91) : « Dieu donne toujours à la créature et produit continuellement ce qu’il y a en elle de positif, de bon et de parfait, tout don parfait venant du Père des lumières ; au lieu que les imperfections et les défauts des opérations viennent de la limitation originale que la créature n’a pu manquer de recevoir avec le premier commencement de son être par les raisons idéales qui la bornent : car Dieu ne pouvait pas lui donner tout sans en faire un Dieu ; il fallait donc qu’il y eût différents degrés dans la perfection, et qu’il y eût aussi des limitations de toute sorte. » Voy. aussi plus haut, p. 129.