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DEUXIÈME ENNÉADE.

cette illumination des ténèbres, on peut les amener à reconnaître les vrais principes du monde. Pourquoi fallait-il que cette illumination des ténèbres fût produite, s’il ne fallait pas absolument qu’elle le fût ? Cette nécessité [d’une illumination des ténèbres] était ou conforme ou contraire à la nature : si elle lui était conforme, elle a dû l’être de tout temps ; si elle lui était contraire, il serait arrivé aux puissances divines quelque chose de contraire à la nature, et le mal serait antérieur à ce monde. Alors ce n’est plus ce monde qui est la cause du mal [comme le prétendent les Gnostiques], ce sont les puissances divines : le monde n’est pas le principe du mal pour l’âme ; c’est l’âme qui est le principe du mal pour le monde. En remontant ainsi de cause en cause, la raison rapportera ce monde aux premiers principes.

Si l’on dit que la matière est aussi cause du mal[1], d’où provient-elle ? car les ténèbres existaient déjà, comme le disent les Gnostiques, quand l’Âme les a vues et illuminées. D’où viennent donc les ténèbres ? Si les Gnostiques répondent que c’est l’Âme elle-même qui a créé les ténèbres en inclinant, évidemment les ténèbres n’existaient pas avant que l’Âme inclinât. Les ténèbres ne sont donc pas la cause de cette inclination ; la cause en est la nature de l’Âme. On rapporte ainsi cette cause à des nécessités précédentes, par suite aux premiers principes[2].

XIII. Celui qui se plaint de la nature du monde ne sait donc pas ce qu’il fait, ni jusqu’où va son audace. C’est que beaucoup d’hommes ignorent qu’un enchaînement étroit unit les choses du premier, du second et du troisième rang[3], et descend jusqu’à celles du plus bas degré. Au lieu

  1. Voy. p 302, note 1.
  2. Selon Plotin, la matière a été créée par la Nature qui est une puissance inférieure de l’Âme universelle. Voy. Enn. III, liv. iv, § 1. Quant à la doctrine des Valentiniens sur ce sujet, Voy. p. 500, note 5.
  3. Plotin fait ici allusion à un passage