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LIVRE NEUVIÈME.
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Pourquoi a-t-elle créé d’abord le feu[1] ? Sans doute elle a jugé qu’il fallait commencer par lui : car pourquoi n’a-t-elle pas commencé par un autre élément ? Si elle a pu produire le feu parce qu’elle en avait la conception, pourquoi, ayant la conception du monde (car elle devait commencer par concevoir le tout), ne l’a-t-elle pas créé d’un seul coup[2] ? En effet, cette conception du monde embrassait aussi toutes les parties. C’était plus naturel : le Démiurge ne devait pas agir comme les artisans, puisque les arts sont postérieurs à la nature et à la création du monde. Aujourd’hui même, nous ne voyons pas les natures [les raisons séminales][3], quand elles engendrent des individus, produire d’abord le feu, puis les autres éléments l’un après l’autre, enfin les mélanger : la configuration et l’organisation de l’animal entier sont formées d’un seul coup dans le germe que la mère porte dans son sein. Pourquoi donc, dans la création, la matière n’aurait-elle pas été organisée d’un seul coup par le type du monde (τύπῳ ϰόσμου)[4], type qui devait contenir le feu, la terre et le reste ? Peut-être les Gnostiques auraient-ils conçu ainsi la création du monde, s’ils avaient eu dans leur système une Âme véritable [au lieu d’une image]. Mais leur Démiurge n’aurait pas su procéder ainsi. Cependant, concevoir la grandeur et surtout les dimensions du ciel, l’obliquité du zodiaque, le cours des astres, la forme de la terre, comprendre la raison de chacune de ces choses[5], ce n’est pas là l’œuvre d’une image, mais plutôt d’une puissance qui procède des meilleurs principes, comme les Gnostiques l’avouent eux-mêmes malgré eux.

En effet, si l’on examine attentivement en quoi consiste

  1. Dans le système de Valentin, le Démiurge a commencé par créer le feu, principe des trois autres éléments corporels. Voy. la Note, p. 516, 534.
  2. Voy. plus haut, p. 188.
  3. Voy. plus haut, p. 183, 189, note 4.
  4. Voy. la Note, p. 534.
  5. Voy. Enn. V, liv. viii, § 7.