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LIVRE NEUVIÈME.

Il y aurait encore un autre mode de discussion d’après lequel on pourrait écrire une réfutation de ces gens assez hardis pour railler les doctrines que des hommes divins ont professées dans les temps anciens et qui sont parfaitement conformes à la vérité. Mais nous n’emploierons point ce mode de discussion : car ceux qui comprendront bien ce que nous venons de dire pourront par là juger du reste.

Nous ne discuterons pas non plus une assertion qui surpasse toutes les autres en absurdité, si toutefois le terme d’absurdité est assez fort. La voici :

« L’Âme et une certaine Sagesse ont incliné vers les choses d’ici-bas (νεῦσαι ϰὰτω), soit que l’Âme ait incliné la première et de son propre mouvement, soit qu’elle y ait été entraînée par la Sagesse, soit que les Gnostiques regardent l’Âme et la Sagesse comme une seule et même puissance[1]. Les autres âmes sont descendues ensemble ici-bas [avec l’Âme] (συγϰατεληλυθέναι), ainsi que les membres de la Sagesse (μέλη τῆς σοφίας)[2], et sont entrées dans des corps, des corps humains probablement[3]. Cependant l’Âme, à cause de laquelle les autres âmes sont descendues ici-bas, n’est pas descendue elle-même : elle n’a pas incliné (μὴ νεῦσαι) en quelque sorte, mais elle a seulement illuminé les ténèbres (ἐλλαμψαι τῷ

  1. Toutes les idées que Plotin expose dans ce passage, et qu’il discute ensuite dans les § 11 et 12, appartiennent au système de Valentin. Les puissances nommées ici l’Âme, la Sagesse et le Démiurge correspondent à Sophia, à Achamoth (la Sagesse en hébreu) et au Démiurge. Ces trois puissances sont émanées l’une de l’autre. Achamoth est la fille et l’image de Sophia ; le Démiurge est le fils et l’image d’Achamoth : il est composé de matière et d’une image psychique. Pour de plus amples éclaircissements, Voy. la Note, p. 532-534.
  2. Les membres de la Sagesse sont les germes pneumatiques donnés par Achamoth, germes dont l’union avec les âmes a produit les natures pneumatiques que Plotin, dans le § 12, nomme les véritables âmes. Voy. la Note, p. 513.
  3. Voy. la Note, p. 527.