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LIVRE NEUVIÈME.

quence nécessaire[1]. [Ils ont raison] : car il faut envisager ce qui arrive, non par rapport à soi seul, mais par rapport à l’ensemble ; honorer chacun selon son mérite ; aspirer toujours à Celui auquel aspirent tous les êtres qui en sont capables [au Bien] ; être persuadé que beaucoup d’êtres, ou plutôt, que tous les êtres y aspirent, que ceux qui l’atteignent sont heureux, que les autres obtiennent le sort qui convient à leur nature ; enfin ne pas se croire seul capable d’arriver au bonheur[2]. Pour posséder un bien, il ne

  1. « Saint Augustin dit, en parlant des Manichéens : « Quelques hérétiques n’ont pas su reconnaître cette raison suprême de la création, savoir, la bonté de Dieu, raison si juste et si convenable qu’il suffit de la considérer avec attention et de la méditer avec piété pour mettre fin à toutes les difficultés qu’on peut élever sur l’origine des choses. Mais on ne veut considérer que les misères du corps, devenu mortel et fragile en punition du péché, et exposé ici-bas à une foule d’accidents contraires, comme le feu, le froid, les bêtes farouches et autres choses semblables. On ne remarque pas combien ces choses sont excellentes dans leur essence et dans la place qu’elles occupent, avec quel art admirable elles sont ordonnées, à quel point elles contribuent chacune en particulier à la beauté de l’univers, et quels avantages elles nous apportent quand nous savons en bien user, en sorte que les poisons mêmes deviennent des remèdes, étant employés à propos, et qu’au contraire les choses qui nous flattent le plus, comme la lumière, le boire et le manger, sont nuisibles par l’abus que l’on en fait. La divine Providence nous avertit par là de ne pas blâmer témérairement ses ouvrages, mais d’en rechercher soigneusement l’utilité, et lorsque notre intelligence se trouve en défaut, de croire que ces choses sont cachées comme plusieurs autres que nous avons eu peine à découvrir. » (Cité de Dieu, XI, 23 ; t. II, p. 302 de la trad. de M. Saisset.)
  2. Selon les Valentiniens et d’autres sectaires, l’initiation à la Gnose suffisait pour rendre parfait celui qui l’obtenait et pour le faire jouir dès cette vie de la béatitude céleste : « Il en est qui croient que la parfaite rédemption consiste dans la connaissance même de la grandeur ineffable [de Bythos], εἶναι τελείαν ἀπολύρωσιν αὐτὴν τὴν ἐπίγνωσιν τοῦ ἀῤῥήτου μεγέθους. En effet, selon eux, la dégradation et la passion étant nées de l’ignorance, tout ce qui a été constitué par l’ignorance est détruit par la science (par la Gnose, διὰ γνώσεως) ;