Page:Plotin - Ennéades, t. I.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
LIVRE NEUVIÈME.

et priver par cela même son âme de la faculté de devenir semblable à Dieu dans la mesure où elle le peut[1]. Or elle ne le peut qu’autant que l’intelligence la guide : vouloir s’élever au-dessus de l’intelligence[2], c’est tomber au-dessous. Il y a des hommes assez insensés pour croire sans réflexion des assertions de ce genre : « [Par l’initiation à la Gnose], tu seras meilleur, non-seulement que tous les hommes, mais encore que tous les dieux. » Car ces gens sont gonflés d’orgueil[3], et l’homme qui était auparavant modeste, simple, humble, devient plein d^arrogance quand il s’entend dire :

  1. Voy. Enn. I, liv. ii.
  2. « Les Gnostiques, dit saint Irénée (II, 18), font consister le salut pour eux à chercher et à connaître le Père parfait [Bythos], à entrer en communication et à s’unir avec lui. »
  3. Plotin est ici parfaitement d’accord avec ce que dit à ce sujet saint Irénée, dans son traité Contre les hérésies (III, 15) : « Si quelque homme d’un esprit simple adopte leur doctrine, et, par l’initiation [à la Gnose], obtient leur prétendue rédemption, il est aussitôt gonflé d’orgueil ; il s’imagine qu’il n’est plus sur la terre, qu’il ne fait plus partie de notre monde, mais qu’il est entré dans le Plérôme même et qu’il s’est uni à son ange ; il se croit un personnage important et il est fier comme un coq. » Saint Irénée explique dans deux autres passages pourquoi l’initié à la Gnose se considérait comme entré dans le Plérôme et uni à son ange : « Ils disent qu’il faut obtenir leur rédemption, laquelle consiste dans la science parfaite (γνῶσις τελεία, la Gnose), pour être régénéré en cette Puissance qui est au-dessus de tout [Bythos] ; qu’autrement il est impossible d’entrer dans le Plérôme : car c’est cette rédemption qui conduit dans la profondeur de Bythos... Quelques-uns d’entre eux préparent [pour l’initiation] une chambre nuptiale [symbole du Plérôme], et, consacrant avec certaines paroles ceux qu’ils initient, ils célèbrent une cérémonie mystique qu’ils appellent des noces spirituelles et qu’ils disent être l’image des syzygies supérieures [où chaque esprit s’unira avec son ange]. » Il en est d’autres qui, pour inspirer encore plus de respect à ceux qu’ils initient, prononcent des mots hébreux dont voici le sens : « Je t’invoque, toi qui es au-dessus de toute puissance du Père, qui es appelé Lumière, Esprit bon, Vie, parce que tu as régné dans le corps. » (I, 21). Voy. p. 285, note 2, et p. 518-520.