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LIVRE NEUVIÈME.

à la doctrine des anciens, on voit qu’ils y ont fait des additions malheureuses ; que, lorsqu’ils la combattent, ils se contentent d’introduire un grand nombre de générations[1] et de destructions (γενέσσεις ϰαὶ φθοραὶ), de blâmer le commerce de l’âme avec le corps[2], de se plaindre de l’univers et de critiquer la Puissance qui le gouverne, d’identifier le Démiurge [l’Intelligence] et l’Âme universelle, et d’attribuer à cette Âme les mêmes passions[3] qu’aux âmes individuelles.

VII. Nous avons démontré ailleurs que ce monde n’a pas commencé et ne finira pas, qu’il doit durer toujours comme les intelligibles[4]. Nous avons démontré aussi avant ces gens que le commerce de notre âme avec le corps n’est pas avantageux pour elle[5]. Mais juger l’Âme universelle d’après la nôtre, c’est ressembler à un homme qui blâmerait l’ensemble d’une cité bien gouvernée, en n’y examinant que les ouvriers occupés à travailler l’argile ou l’airain.

Il est important de considérer quelles différences il y a entre l’Âme universelle et notre âme. D’abord elle ne gouverne pas le monde de la même manière [que notre âme gouverne notre corps] ; ensuite elle gouverne le monde sans lui être liée (ἐνδεδεμένη). En effet, outre les mille différences qui ont été signalées ailleurs[6] entre l’Âme universelle et notre âme, il faut remarquer que nous avons été liés au corps quand il y avait déjà un premier lien (δεσμὸς) de formé[7].

  1. C’est une allusion aux syzygies des Éons. Voy. la Note, p. 523. Saint Paul avait déjà dit dans l’Épître à Tite (III, 9) : « Stultas autem quæstiones, et genealogias, et contentiones, et pugnas legis devita : sunt enim inutiles et vanæ. »
  2. Voy. plus loin, p. 305.
  3. Il s’agit dans ce passage de la chute et du repentir de Sophia et d’Achamoth. Voy. la Note, p. 508, 512.
  4. Voy. Enn. II, liv. i, § 1 ; Enn. III, liv. ii, § 1 ; Enn. IV, liv. iii.
  5. Voy. Enn. I, liv. ii.
  6. Voy. Enn. IV, liv. iii.
  7. Quand les âmes humaines descendent ici-bas, elles entrent dans des corps qui ont été préalablement organisés par l’Âme universelle. Voy. Enn. IV, liv. iii, § 6. Voy. aussi p. 160, 178, 309, 475-477, de ce volume.