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DEUXIÈME ENNÉADE.

fers (ποταμοὶ οἱ ἐν ᾄδου), les métensomatoses (μετενσωματόσεις)[1]. S’ils reconnaissent plusieurs principes intelligibles, l’Être, l’Intelligence, le second Démiurge ou l’Âme universelle, ils ont tiré cela du Timée[2], où Platon dit : « De même que les idées comprises dans l’animal qui est sont vues par l’intelligence, de même le créateur de cet univers pensa que celui-ci devait comprendre des essences semblables et en même nombre. » Mais, comprenant mal Platon, les Gnostiques ont ici imaginé [trois principes], une Intelligence en repos qui contient en soi toutes les essences, une seconde Intelligence qui les contemple dans la précédente, et une troisième Intelligence qui pense discursivement (νοῦς διανοούμενος)[3]. Souvent ils regardent cette Intelligence discursive comme l’Âme créatrice (ϕυχὴ ἡ δημιουργοῦσα), et ils croient que c’est le Démiurge dont parle Platon, parce qu’ils ignorent complètement quelle est la nature du Démiurge. En général ils altèrent entièrement l’idée de la création, ainsi que beaucoup d’autres dogmes de Platon, et ils en donnent une interprétation tout à fait vicieuse. Ils s’imaginent qu’eux seuls ont bien conçu la nature intelligible, que Platon et tant d’autres esprits divins n’y sont pas parvenus. En nommant une multitude de principes intelligibles (πλῆθος νοητῶν ὀνομάζοντες)[4], ils croient paraître en posséder

  1. Selon Basilide, Valentin, Carpocrate, etc., notre âme, depuis le commencement du monde, se trouve dans une migration perpétuelle de corps en corps ou métensomatose, dont le but est de la perfectionner, c’est-à-dire de la rendre capable de recevoir la raison parfaite, afin qu’elle puisse retourner un jour au Plérôme. Les Gnostiques ne paraissent pas avoir puisé cette idée dans les dialogues de Platon (tels que le Phédon, le Phèdre, la République), comme le prétend Plotin, ni même dans la doctrine de Pythagore, mais dans le mélange des doctrines orientales répandues alors en Syrie. Voy. la Note, p. 517, 538.
  2. Voy. Timée, p. 39 ; trad. de M. H. Martin, p. 109. Plotin ajoute pour la clarté de la phrase : ὁ τόδε ποιῶν τὸ πᾶν, le créateur de cet univers.
  3. Voy. la Note, p. 521-522.
  4. Une des idées fondamentales des sys-