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LIVRE NEUVIÈME.

tendent avoir reçu dans leurs âmes la Forme du monde (τοῦ ϰόσμου τὸ εἴδος)[1], que signifie ce nouveau langage ?

VI. Que dire des autres substances qu’ils introduisent dans l’univers, des exils (παροιϰήσεις)[2], des empreintes (ἀντιτύποι)[3], des repentirs (μετανοίαι)[4] ? Si par repentirs et par exils ils veulent désigner certains états de l’âme, tels que celui où elle s’abandonne au repentir, si par empreintes ils entendent les images des êtres intelligibles que l’âme contemple avant de contempler les êtres intelligibles eux-mêmes, ils emploient des mots vides de sens, inventés uniquement pour donner du corps à leur secte : car c’est faute d’avoir compris l’antique sagesse des Grecs qu’ils imaginent de telles fictions. Les Grecs avaient parlé avant eux, avec clarté et simplicité, des ascensions (ἀναϐάσεις) des âmes qui sortent de la caverne[5] et qui s’élèvent insensiblement à une contemplation plus vraie. Des dogmes qui composent la doctrine de ces hommes, les uns sont dérobés à Platon[6] ; les autres, qu’ils inventent afin d’avoir un système propre, sont des innovations contraires à la vérité. C’est à Platon qu’ils empruntent les jugements (δίϰαι), les fleuves des en-


    fait l’épreuve des maux d’ici-bas, et que, par conséquent, elles auraient depuis longtemps dû cesser de descendre sur la terre. »

  1. Les Gnostiques prétendaient avoir reçu dans leurs âmes des germes spirituels émanés du Plérôme. Voy. la Note, p. 529.
  2. Les Gnostiques se regardaient comme exilés sur la terre et comme étrangers au monde, en ce sens qu’ils étaient supérieurs au monde par leur nature et qu’ils appartenaient au Plérôme en leur qualité de semences d’élection. C’est pour cette raison qu’ils appelaient le Plérôme la Terre étrangère. Voy. p. 531.
  3. Les Gnostiques regardaient les êtres engendrés comme les images ou les empreintes, ἀντιτύποι, des êtres intelligibles, des Éons dont ils étaient émanés. Voy. la Note, p. 525.
  4. Voy. la Note, p. 506, 510.
  5. C’est une allusion à la caverne dont Platon parle dans le livre VII de la République (trad. de M. Cousin, t. X, p. 64).
  6. Les Gnostiques n’ont pas fait à Platon autant d’emprunts que Plotin le suppose ici. Voy. la Note, p. 540.