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DEUXIÈME ENNÉADE.

pourrait-il en exister une plus belle image ? Pourrait-il y avoir, après le feu céleste, un feu meilleur que notre feu ? Comment concevoir, après la terre intelligible, une autre terre que celle-ci ? après l’acte par lequel le monde intelligible s’embrasse lui-même, une sphère plus parfaite, plus admirable, mieux ordonnée dans ses mouvements[1] ? Enfin comment concevoir, après le soleil intelligible, un autre soleil que celui qui frappe notre vue ?

V. N’est-il pas absurde de voir ces gens [les Gnostiques], qui ont, comme tous les autres hommes, un corps, des passions, des craintes, des emportements, se faire de leur propre puissance une idée assez haute pour se croire capables d’atteindre l’intelligible[2], et refuser cependant au Soleil, quoiqu’il soit immuable et parfait[3], une puissance


    nature, elles s’y maintiennent. Celles qui n’ont pas reçu un être permanent, sont changées en mieux ou en pis, selon le besoin et le mouvement des natures supérieures où les absorbe la loi du Créateur, allant ainsi vers la fin qui leur est assignée dans le gouvernement général de l’univers, de telle sorte toutefois que le dernier degré de dissolution des natures muables et mortelles n’aille pas jusqu’à réduire l’être au néant et à empêcher ce qui n’est plus de servir de germe à ce qui va naître. S’il en est ainsi, Dieu, qui est souverainement, et qui, pour cette raison, a fait toutes les essences, lesquelles ne peuvent être souverainement, puisqu’elles ne peuvent ni lui être égales, ayant été faites de rien, ni exister d’aucune façon s’il ne leur donne l’existence, Dieu, dis-je, ne doit être blâmé pour les défauts d’aucune des natures créées, et toutes au contraire doivent servir à l’honorer. » (Cité de Dieu, XII, 5 ; t. II, p. 339 de la trad. de M. Saisset.)

  1. Pour l’intelligence de cette phrase, Voyez plus haut ce que Plotin dit sur le mouvement circulaire du ciel, p. 159 et p. 162, note 1.
  2. C’est une allusion à la Gnose, dont saint Paul a dit dans l’Épître Ire à Timothée (VI, 20, 21) : « O Timothe, depositum custodi, devitans profanas vocum novitates et oppositiones falsi nominis scientœ (ἐϰτρεπόμενος τὰς ϐεϐήλους ϰαινοϕωνίας ϰαὶ ἀντιθέςεις τῆς φευδωνύμου γνώσεως) ; quam quidam promittentes, circa fidem exciderunt. » Voy. plus loin, p. 285, note 2.
  3. Voy. plus haut, p. 180.