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LIVRE NEUVIÈME.

munique au monde sensible et elle l’illumine parce qu’elle est elle-même toujours illuminée [par l’Intelligence].

III. Ainsi l’Âme, étant toujours illuminée, illumine elle-même à son tour les choses inférieures, qui subsistent par elle, comme les plantes se nourrissent de la rosée, et qui participent à la vie, chacune selon sa capacité : de même, un feu échauffe les objets qui l’entourent, chacun proportionnellement à sa nature[1]. Or, si tel est l’effet du feu qui n’a qu’une puissance limitée, tandis que les êtres intelligibles


    et ce principe est une lumière supérieure à l’âme, par qui elle a été créée, qui l’illumine et la fait briller de la splendeur de l’intelligible. Pour faire comprendre ces choses de l’ordre spirituel, il emprunte une comparaison aux corps célestes. Dieu est le soleil, et l’âme la lune : car c’est du soleil, suivant eux, que la lune tire sa clarté. Ce grand platonicien pense donc que l’âme raisonnable, ou plutôt l’âme intellectuelle (car sous ce nom il comprend aussi les âmes des bienheureux immortels dont il n’hésite pas à reconnaître l’existence et qu’il place dans le ciel), cette âme, dis-je, n’a au-dessus de soi que Dieu créateur du monde et de l’âme elle-même, qui est pour elle comme pour nous le principe de la béatitude et la lumière de la vérité. Or cette doctrine est parfaitement d’accord avec l’Évangile, où il est dit : « Il y eut un homme envoyé de Dieu qui s’appelait Jean. Il vint comme témoin pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à celui qui était la lumière. Celui-là était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde. » Cette distinction montre assez que l’âme raisonnable et intellectuelle, telle qu’elle était dans saint Jean, ne peut pas être à soi-même sa lumière et qu’elle ne brille qu’en participant à ta lumière véritable. C’est ce que reconnaît le même saint Jean, quand il ajoute en rendant témoignage à la lumière : « Nous avons tous reçu de sa plénitude. » (Cité de Dieu, X, 3 ; t. II, p. 183 de la trad. de M. Saisset). Pour la comparaison de l’Intelligence divine avec le soleil, Voy. plus haut, p. 194.

  1. Philon dit dans les mêmes termes que Plotin que la création n’est pas une œuvre passagère et momentanée, que c’est un acte nécessaire et perpétuel de la puissance divine : « Dieu ne cesse jamais de produire : sa nature est de produire toujours, comme celle du feu est de brûler et celle de la neige de répandre le froid. »