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DEUXIÈME ENNÉADE.

intelligible][1]. Comme notre âme est une seule nature en plusieurs puissances, tantôt elle s’élève tout entière au monde intelligible avec la meilleure partie d’elle-même et de l’être, tantôt sa partie inférieure se laisse entraîner vers la terre et entraîne avec elle-même la partie intermédiaire (car notre âme ne peut être entraînée tout entière)[2]. Quand cela arrive, c’est que notre âme ne demeure pas dans la meilleure région [dans le monde intelligible]. En y demeurant, l’Âme qui n’est pas une partie, et dont nous ne sommes pas une partie[3], a donné au corps de l’univers toutes les perfections qu’il pouvait recevoir. Elle le gouverne en demeurant tranquille, sans raisonner, sans avoir rien à redresser : par la contemplation du monde intelligible, elle embellit l’univers avec une admirable puissance. Plus elle s’attache à la contemplation, plus elle est puissante et belle[4] : ce qu’elle reçoit d’en haut, elle le com-

  1. Voy. Enn. IV, liv. iii, § 5-8 ; Enn. V, liv. ii, § 3. Il y a eu sur ce point désaccord entre les Néoplatoniciens : les uns prétendaient que l’âme humaine descend tout entière dans le monde sensible ; les autres qu’elle n’y descend qu’en partie (Stobée, Eclogœ, liv. i, § 52). L’opinion de Plotin a été rejetée par Proclus (Institution théologique, § 221), et par Hermias (Commentaire sur le Phèdre de Platon, § 28) ; mais elle a été adoptée par Jamblique et par Damascius, qui cite Plotin en ces termes : ὥστε ἀλεθινὸς ὁ Πλωτίνου λόγος, ὠς οὐ πᾶσα ϰάτεισιν ἡ ψυχή (Commentaire sur le Parménide de Platon, folio 308).
  2. L’âme humaine s’élève au monde intelligible par l’intelligence, descend dans le monde sensible et s’unit au corps par les puissances sensitive et végétative, qui constituent l’âme irraisonnable. Quant à la partie intermédiaire de l’âme ou âme raisonnable, les puissances qui la constituent sont la raison discursive et l’imagination. Voy. Enn. IV, liv. iii, § 18 ; liv. iv, § 3.
  3. Selon Plotin, les âmes humaines ne sont pas des parties de l’Âme universelle. Sur les rapports de l’âme humaine avec l’Âme universelle, Voy. Enn. IV, liv. iii, § 1-8, et liv. ix.
  4. Saint Augustin fait allusion à ce passage dans les termes suivants : « Plotin, commentant Platon, dit nettement et à plusieurs reprises que cette âme même dont ces philosophes font l’âme du monde n’a pas un autre principe de félicité que la nôtre,