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LIVRE NEUVIÈME.

lons cette nature le Premier (τὸ πρῶτον), parce qu’elle est très-simple ; et l’Absolu (τὸ αὔταρϰες), parce qu’elle n’est pas composée : sinon, elle dépendrait des choses dont elle serait composée. Enfin elle n’est pas non plus dans une autre chose [comme un attribut dans un sujet] : car tout ce qui est dans une autre chose provient aussi d’une autre chose. Si donc cette nature n’est pas dans une autre chose et ne provient pas d’une autre chose, s’il n’y a en elle aucune composition, elle doit n’avoir rien au-dessus d’elle.

Il en résulte qu’il ne faut pas recourir à d’autres principes [que les trois hypostases divines], mais assigner le premier rang à l’Un, le deuxième à l’Intelligence, qui est le premier principe pensant[1], puis le troisième à l’Âme. Tel est en effet l’ordre naturel, ordre qui ne permet d’admettre ni plus ni moins de principes dans le monde intelligible. Si l’on en admet moins, c’est que l’on confond l’Âme avec l’Intelligence, ou l’Intelligence avec le Premier ; or nous avons souvent démontré que ce sont autant de principes différents[2]. Il nous reste maintenant à examiner si

  1. Voy. Enn. V, liv. vi.
  2. Voy. Enn. V, liv. i, ii, iii, vi ; Enn. VI, liv. viii, ix. Plusieurs Pères de l’Église, platoniciens en même temps, saint Grégoire de Nazianze, saint Cyrille d’Alexandrie, Eusèbe, etc., ont cru retrouver dans les trois hypostases divines de Plotin les trois personnes de la sainte Trinité. Voici comment l’opinion de ces Pères est exposée par Théodoret (t. IV, p. 750, éd. Schulz) : « Αὐτίϰα τοίνυν τὴν Πλάτωνος διάνοιαν ἀναπτύσσοντες ϰαὶ ὁ Πλωτῖνος ϰαὶ ὁ Νουμήνιος τρία φασὶν αὐτὸν εἰρηϰέναι ὑπερέχοντα ϰαὶ ἀῖδια, τἀγαθὸν, ϰαὶ νοῦν, ϰαὶ τοῦ παντὸς τὴν φυχὴν, ὂν μὲν ἡμεῖς Πατέρα ϰαλοῦμεν, τἀγαθον ὀνομάζοντα · νοῦν δὲ, ὂν ἡμεῖς Ὑιὸν ϰαὶ Λόγον προσαγορεύομεν · τὴν δὲ τὰ πάντα ψυχοῦσαν ϰαὶ ζωοποιοῦσαν δύναμιν, ψυχὴν ϰαλοῦντα, ἤν Πνεῦμα ἅγιον οἱ θεῖοι προσαγορεύουσι λόγοι. » Pour montrer la différence qu’il y a entre la théorie de Plotin et la théologie chrétienne, nous nous bornerons à citer un passage de saint Augustin sur la sainte Trinité : « Il existe un bien, seul simple, seul immuable, qui est Dieu. Par ce bien, tous les autres biens ont été créés, mais ils ne sont point simples et partant ils sont muables. Quand