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DEUXIÈME ENNÉADE.

mots n’expriment qu’une seule et même nature ; ils n’en affirment rien, et ne servent qu’à nous la désigner à nous-mêmes autant que la chose est possible. Nous appe-

    10 ; t. II, p. 283 de la trad. de M. Saisset.) Les comparaisons tirées du rapport de l’air à la lumière et à la chaleur se trouvent dans plusieurs passages de ce volume, p. 40, 45, 53, 57, 111, 200, 201, etc.

    En disant que la nature du Bien ne contient rien en soi (au lieu de dire, comme saint Augustin, que la nature divine n’est autre chose que ce qu’elle a), Plotin paraît s’être inspiré des idées orientales, telles qu’elles sont formulées dans la Kabbale et dans les écrits de Philon. Ainsi le livre kabbalistique appelé le Zohar (Livre de la Lumière) assigne les mêmes caractères que Plotin à la Cause suprême, à l’En-Soph (l’Infini), qu’il déclare ineffable et inconnu, et qu’il place bien au-dessus de toutes les Séphiroth (hypostases divines), même de celle qui exprime l’Être à son plus haut degré d’abstraction : « Il est l’Ancien des Anciens, le Mystère des Mystères, l’Inconnu des Inconnus... Il faut le concevoir au-dessus de toutes les créatures et de tous les attributs. Or, quand on a ôté ces choses, quand on n’a laissé ni attribut, ni image, ni figure, ce qui reste est comme une mer : car les eaux de la mer sont par elles-mêmes sans limite et sans forme... De là vient le nom d’Infini, En-Soph, pour désigner la Cause des causes : car elle n’a, dans cet état, ni forme, ni figure ; il n’existe alors aucun moyen de la comprendre, aucune manière de la connaître ; c’est en ce sens qu’il a été dit (Ecclésiaste, III, 2) : Ne médite pas sur une chose qui est trop au-dessus de toi. » (M. Franck, La Kabbale, p. 170, 173.) Philon a dit de même : « Dieu est supérieur à la science, à la vertu, même au beau et au bien... L’unité même n’est qu’une Image de la Cause première... Il faut, dépouillant l’Être suprême de tout attribut, ne concevoir en lui que l’existence et ne lui prêter aucune forme ; il est incompréhensible, ineffable et sans nom. » (De mundi opificio, XI ; Quod Deus sit immutabilis, X.) Les Gnostiques ont emprunté beaucoup de leurs idées à la Kabbale ou aux écrits de Philon. Ainsi Valentin, dont Plotin paraît discuter particulièrement ici le système, place au sommet de toutes choses l’Être infini, incompréhensible, ineffable, qu’il appelle Ampsiu (Substance) ou Bythos (Abîme), et dont il fait sortir par couples les Éons qui constituent le plérôme. Voyez à ce sujet l’extrait de saint Irénée que nous donnons dans la Note sur ce livre, à la fin du volume.