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DEUXIÈME ENNÉADE.

conserver sa première nature ; elle s’affaiblit nécessairement. Mais une étendue jointe à une autre étendue ne s’évanouit pas.

[Contre les Péripatéticiens]. On dit qu’un corps, en en pénétrant un autre, le divise. Nous demanderons sur quoi se fonde cette assertion : car, pour nous, nous pensons que les qualités pénètrent un corps sans le diviser. — C’est qu’elles sont incorporelles [dira-t-on]. — Mais si la matière est elle-même incorporelle comme les qualités, pourquoi quelques qualités ne pourraient-elles pas avec la matière pénétrer un autre corps ? Si les solides ne pénètrent pas d’autres corps, c’est qu’ils ont des qualités incompatibles avec celle de pénétrer. Dira-t-on que beaucoup de qualités ne sauraient avec la matière pénétrer un corps ? Cela aurait lieu si la multitude des qualités produisait la densité ; mais si la densité est une qualité propre comme l’est aussi la corporéité, les qualités constitueront la mixtion, non comme qualités, mais comme qualités déterminées (ποιότητες τοιαίδε). D’un autre côté, quand la matière ne se prêtera pas à la mixtion, ce ne sera pas comme matière, mais comme matière unie à une qualité déterminée. Cela est d’autant plus vrai que la matière n’a pas de grandeur propre, et ne refuse pas de recevoir une grandeur quelconque[1]. En voilà assez sur ce sujet.

III. Puisque nous avons parlé de la corporéité (σωματότης), il faut examiner si elle est un composé de toutes les qualités, ou si elle constitue une forme, une raison, qui, par sa présence dans la matière, produise le corps. Si le corps est le composé de toutes les qualités réunies avec la matière (τοῦτό ἐστι τὸ σῶμα τὸ ἐϰ πασῶν ποιοτητήτων σύν ὕλῃ), cet ensemble de qualités constitue la corporéité. Si la corporéité est une raison qui produit le corps en s’approchant de la matière, sans nul doute c’est une raison qui

  1. Voy. plus haut, p. 212.