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DEUXIÈME ENNÉADE.

tion doit rendre le tout homogène (ὁμοιομερὲς τὸ πὰν), de telle sorte que les molécules même les plus petites soient composées chacune des éléments qui composent le mixte.

Quant aux philosophes [Péripatéticiens] qui prétendent que, dans un mixte, les qualités seules se mêlent (τὰς ποιότητας μόνας ϰιρνάντες), et que les étendues matérielles des deux corps ne sont que juxtaposées, pendant que les qualités propres à chacun d’eux sont répandues dans toute la masse[1], ils semblent établir la justesse de leur opinion en attaquant la doctrine qui admet que dans la mixtion deux corps se pénètrent totalement[2]. — Les molécules des deux corps [objectent-ils] finiront par perdre toute grandeur dans cette division continue qui ne laisse nul intervalle entre les parties d’aucun des deux corps : car la division est continue puisque les deux corps se pénètrent l’un l’autre mutuellement dans toutes leurs parties. En outre, souvent le mixte occupe une étendue plus grande que chaque corps pris séparément, aussi grande que s’il y avait une simple juxtaposition ; or, si deux corps se pénétraient totalement, le mixte qu’ils constituent n’occuperait pas plus de place que l’un d’eux pris séparément. Quant au cas où deux corps n’occupent pas plus de place qu’un seul, il s’explique,

  1. C’est la théorie de la mixtion donnée par Aristote et par Alexandre d’Aphrodisiade. Voici comment l’expose M. Ravaisson (t. II, p. 297) : « Dans la mixtion proprement dite, si d’abord les éléments appartiennent à un même genre, condition nécessaire pour qu’ils puissent agir l’un sur l’autre, et si, de plus, ils sont l’un à l’égard de l’autre dans certaines proportions de quantité, leurs qualités respectives se cèdent l’une à l’autre ce qu’elles avaient d’excès ; une qualité nouvelle en résulte qui fait de la masse entière un tout homogène et uniforme. Dans ce tout, les éléments primitifs n’existent plus, ou du moins ils ne sont plus en acte. Pour les faire reparaître dans leur première nature, il faut qu’une nouvelle action intervienne. Ils n’existent donc plus l’un et l’autre qu’en puissance. »
  2. C’est ce que fait Alexandre d’Aphrodisiade dans son traité De la Mixtion. Voy. M. Ravaisson, t. II, p. 299.